Avec ses tatouages et son style désinvolte, Alix Fernz est l’un des nouveaux visages les plus intrigants (et reconnaissables) de la scène musicale montréalaise. Ce multi-instrumentiste et producteur excelle dans un univers où la pop expérimentale rencontre le post-punk. Après avoir fait ses débuts dans la scène punk-DIY avec le projet Blood Skin Atopic, Fernz s’est lancé en solo, dévoilant une musique profondément personnelle, imprégnée de contrastes à tous niveaux.
En avril dernier, il a fait paraître chez Mothland son premier album en tant qu’Alix Fernz, Bizou.
Je le rencontre au mythique Bar l’Esco, rue Saint-Denis, où il travaille depuis quelques années. S’il est plus souvent derrière le bar, il s’apprêtait ce soir-là à prendre le contrôle des lumières lors du spectacle-surprise de ses amis, Choses sauvages. Forcément, de travailler dans un environnement aussi dynamique et où les artistes se succèdent, ça doit aider avec la créativité.
«Absolument, dit-il. Je suis inspiré à 100% par ce que je vis ici. C’est sûr que je romance beaucoup ça, mais principalement, c’est basé sur des choses que je vis ici. J’aime représenter dans ma musique le côté obscur de la vie; je peux pas écrire de tounes heureuses moi.»
Je lui fais remarquer que sa musique, sans tomber dans la pop ‘gomme-balloune’, a quand même une qualité lumineuse: tout n’y est pas sombre. «J’adore le contraste entre le côté pop un peu ‘rose bonbon’, avec des sujets plus dark», explique-t-il.
Comme pour tous ses projets, c’est Fernz lui-même qui a écrit l’album de A à Z, bien qu’il ait appelé des membres de son groupe pour les prises finales des instrumentaux. Pour le mixing, il a fait appel à l’aide du producteur Emmanuel Éthier, qui a déjà collaboré avec des artistes comme Corridor et Cœur de pirate. Sur Bizou, Alix Fernz combine une production à la fois dense et hypnotique, où des mélodies accrocheuses se heurtent à des sons stridents et dérangeants. Cet équilibre entre chaos et harmonie témoigne de la maturité musicale qu’a gagnée Fernz avec ce projet.
«Avec mon ancien band, j’avais un peu l’impression de travailler dans le beurre. Je faisais, genre, un album par six mois; parce que je fais tout tout seul sur mon ordinateur, et je sortais ça de même. Et c’était un autre style: quand j’étais plus jeune, je trippais vraiment beaucoup sur des trucs psych-rock comme King Gizzard and the Lizard Wizard, The Oh Sees, explique Fernz. Je voulais faire la même chose, mais après avoir remis en question mes propres goûts, et en m’inspirant d’autres choses, je me suis rendu compte que je ne voulais pas être une émule, ou aller trop loin et être pogné dedans. Donc je me suis dit que c’était le parfait moment pour changer de style, de nom, d’image.»
L’album, dans ce sens, semble être un peu un adieu à une jeunesse déchaînée. Avec des paroles, comme sur Muselière, qui évoquent l’expérience d’une école privée restrictive, ou encore Wax, où il met le doigt sur le mal-être qui pousse à la consommation abusive. La musique, quant à elle, zigzague entre segments pop jubilatoires et moments abrasifs, plongeant l’auditeur dans une expérience aussi déroutante qu’immersive.
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Et la surprise est doublée lors de ses concerts, où Fernz prouve qu’il sait captiver son public grâce à une énergie viscérale et une présence scénique intense, où les guitares tranchantes et les synthétiseurs vintages se mêlent. «J’aime pas trop parler entre les chansons, ou avoir à faire du small talk avec le public, avoue-t-il. J’aime ça quand on monte sur scène et qu’on ne donne pas de répit, une chanson après l’autre!»
Alors qu’il planche déjà sur un prochain album, l’artiste originaire de Sainte-Thérèse dit tout de même profiter à fond des succès qui s’enchaînent pour lui cette année. Encensé par la critique et le public, Bizou lui a permis de sillonner les routes du Québec tout l’été, et il s’apprête à s’envoler en Europe à l’automne, pour une première série de spectacles internationaux. «C’est le fun le Québec, mais c’est certain que j’ai hâte d’aller voir ce que le public de là-bas va penser du projet. Ils ont des scènes DIY qui sont vraiment intéressantes.»
Quelque part entre Hubert Lenoir, Philippe Katherine et Stu Mackenzie, Alix Fernz incarne bien la diversité et la richesse de la scène musicale québécoise actuelle. Avec son approche audacieuse et instinctive, il se présente déjà comme un artiste à surveiller de près.
Ce samedi 28 septembre à la Sala Rossa, Fernz se produira aux côtés d’Edith Nylon et Laura Krieg, dans le cadre du Festival international POP Montréal.