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Super Plage: «Je suis encore trop jeune pour être un artiste de musique tranquille»

Le producteur et compositeur lance ce vendredi «Grosse maison», un album dansant et réfléchi qui allie «rigueur immense» et «spontanéité désarmante»

Super Plage: «Je suis encore trop jeune pour être un artiste de musique tranquille»

Super Plage

Andy Jon

Deux ans après Magie à minuit, Super Plage refait surface cette semaine. Un retour parfaitement synchronisé avec celui du beau temps. Et un retour attendu, lui qui nous a habitués à un rythme de sorties effréné, à raison d’un album par année depuis 2020. Dans ce contexte, pas surprenant que l’artiste électro-pop ait particulièrement hâte de nous faire visiter sa Grosse maison.

«C’est la première fois que je vis le purgatoire imposé par l’échéancier normal de sorties dans l’industrie, lance le sympathique musicien en entrevue. En plus, sur cet album, il y a une certaine cassure par rapport au son des précédents, donc c’est un peu aussi la première fois que j’essaie d’aller ailleurs en voyant si les gens vont me suivre. Ça me rend peut-être un peu plus excité que les dernières fois.»


En effet, Grosse maison verse davantage dans la house, d’où son titre. L’auteur-compositeur-interprète Jules Henry ne se dénature pas pour autant. On retrouve sur cette nouvelle collection de chansons ce qui fait son succès depuis le début : des airs vitaminés entraînants aux textes porteurs et aux mélodies dansantes. Le tout est habité d’irrésistibles influences disco, french touch et drum & bass, et porté par diverses collaborations, notamment avec Virginie B, Claudia Bouvette et pataugeoire.

Pourquoi avoir pris plus de temps pour sortir cet album?

C’est ma maison de disque. Ceci dit, toutes les maisons de disque fonctionnent de la même façon : essayer d’étirer un cycle de sortie sur un an et demi deux ans pour faire toute la promo, les festivals, etc. S’assurer que les gens ont eu le temps d’assimiler les chansons. Ce que je comprends parce que je suis exactement pareil en tant que public. Quand j’adore l’album d’un artiste, on dirait que je ne suis pas toujours prêt à écouter son nouveau, car je suis attaché au précédent. J’ai exactement le comportement que j’espère que les gens n’aient pas envers ma musique.

Il est rare dans l’industrie de la musique qu’on demande aux artistes de ralentir la cadence, à part peut-être Pierre Lapointe

Tout le monde a des deadlines, mais pour ma part, on dirait qu’à la fin du processus, je ne sais plus trop quoi faire. Je ne suis pas du côté des gens à qui on dit : «Hey, il faut vraiment que tu finisses bientôt!»

Parlant de deadline, une de tes nouvelles chansons se nomme Deadlines. Le texte est tiré d’une intervention du réalisateur d’albums Jean Massicotte dans le livre Jean Leloup: Des grands instants de lucidité d’Olivier Boisvert-Magnen (Éditions Les malins). Comment cette lecture t’a-t-elle influencé au point d’en faire une chanson?

J’ai vraiment, vraiment, aimé cette biographie. À travers toutes les histoires racontées là-dedans, j’ai remarqué que la démarche artistique de Leloup était aux antipodes entre une rigueur immense et une spontanéité désarmante. J’ai essayé d’amener un peu de ça dans l’album. Beaucoup de chansons ont été enregistrées très vite et de manière spontanée, puis retravaillées par après. J’ai essayé d’insuffler ce genre de petite magie. Au sujet de Deadlines, j’avais déjà l’instru, mais pas de paroles. J’avais noté deux ou trois citations dans le livre et c’est la première que j’ai montrée à Virginie B.

La citation, répétée en boucle dans la chanson, va comme suit : «J’écoutais du jazz, du dub, beaucoup de rap/Du Outkast du Beastie-Boys, du Beck/On pouvait vraiment faire n’importe quoi/Le problème, c’est qu’on était pognés avec des deadlines». Qu’est-ce qui t’a accroché dans ces mots en particulier?

Je pense que ça représente bien le défi quand on commence un album ou un nouveau projet. Évidemment, on aime tous beaucoup de sortes de musique. Et quand on choisit d’en faire une, on renonce à toutes les autres, à moins d’accepter d’être un projet éclectique, ce que je crois être, mais moins que d’autres et plus que certains. Je trouvais que c’était une belle fenêtre vers un processus de création qui était autant le nôtre que celui, j’imagine, de presque tout le monde.

Tu es prolifique, mais tes albums sont relativement courts. C’est un choix de rester concis?

Oui, pour plusieurs raisons, entre autres monétaires. Aussi, pour garder le focus… On finit un peu par dissoudre notre attention dans un certain nombre de chansons. J’avais peur que, s’il y en avait plus, je n’allais peut-être pas leur donner l’amour qu’elles méritaient. C’est quand même dur de faire écouter des albums en 2025. À part Hubert Lenoir, que j’adore, je ne connais pas beaucoup d’artistes qui pourraient sortir 25 chansons en même temps et espérer que les gens écoutent la 23e, la 24e et la 25e. Et c’est très volontaire que ça alterne beaucoup entre moi et d’autres personnes à la voix, que le style change un peu, que le traitement vocal change. Je voulais essayer de créer un peu le feeling d’une playlist, vu que c’est comme ça que les gens écoutent la musique aujourd’hui. On dirait que je voulais garder les gens surstimulés! (Rires)

Tu as pris une direction musicale plus assumée vers la musique house sur Grosse maison. Qu’est-ce qui a guidé ce choix?

Ça fait à peu près trois ans que je suis DJ. Dans ce contexte, je me suis rendu compte que mes anciennes chansons étaient peut-être un peu trop colorées et relaxes pour être mises dans des DJ set. J’avais envie de faire quelque chose que je pouvais jouer à 1h30 du matin au Système. Il y a toujours une chanson tranquille sur mes albums. Sur celui-ci, c’est 1990, mais je suis encore trop jeune pour être un artiste de musique tranquille.

Justement, sur 1990, sortie en single en mars, tu chantes : «1990/Mes cassettes contre des disques/Petits vélos sur la piste/Et tout le monde est un peu raciste» en plus de faire référence à MusiquePlus. En excluant le passage sur le racisme, es-tu un peu nostalgique?

L’instrumental m’inspirait quelque chose de nostalgique. Je ne pense pas être quelqu’un de très nostalgique, mais j’ai vraiment poussé le concept sur celle-là. J’y mentionne aussi notre jeune groupe de punk calqué sur NOFX, c’était mon premier groupe avec bon mon ami, Éric Normandeau-Gagnon, qui a d’ailleurs joué la batterie sur cette toune, lui qui n’avait pas fait de musique depuis 15-20 ans. Ce sont ses enfants qu’on entend sur la chanson.

Qu’est-ce qui t’a amené du punk à l’électro?

Je viens de Rimouski. Dans le temps, même avoir un clavier dans un groupe, c’était pas très bien vu parce qu’on associait ça à la pop, «l’empire», «l’industrie», et c’était pas cool. Une fois installé à Montréal, quelqu’un m’a fait écouter une chanson de La Femme. J’ai VRAIMENT aimé ça et là, l’algorithme french touch étant très fort, j’ai découvert L’impératrice, La Femme, Sexy Sushi, Flavien Berger et Le Couleur. Je me suis beaucoup reconnu là-dedans, dans cet élément très mélodique, très catchy. Aussi, mes parents écoutaient beaucoup de chanson française, Jacques Brel, etc. Pierre Lapointe était notre principal terrain d’entente en voiture. C’est le seul album que moi et ma mère on aimait pour vrai les deux.

Sur le dernier titre de Grosse maison, Jaune, tu cites Giorgio Moroder, Daft Punk, Lucien Francoeur et Jean-Pierre Ferland. Est-ce un hommage à tes influences?

Absolument. C’est une chanson que j’ai faite pour le plaisir, ce n’était pas dans l’optique de la mettre sur l’album. Je me sentais mal que ce soit juste des hommes. J’ai essayé de placer le nom de Louise Forestier, entre autres, mais ça ne sonnait pas très musical. Je trouvais ça cool dans le premier couplet d’avoir Daft Punk et Gergio Moroder, qui sont des influences mondiales, puis après de nommer Jean-Pierre Ferland et Lucien Francoeur, qui était vivant d’ailleurs quand je l’ai écrit. Et quand Ferland est décédé, on dirait que je n’avais jamais intellectualisé à quel point il a eu une influence sur moi.

En électro, il y a souvent une économie de mots et beaucoup de répétitions. On sent que tu t’amuses beaucoup avec la langue, il y a quelque chose de très ludique dans ton approche. Qu’est-ce qui te plaît le plus dans cette forme d’écriture?

Oui, il y a une économie de mots, mais il n’y jamais un mot dont je ne suis pas fier. Un bon exemple est la chanson Reste avec moi de Robert Robert. Il fait juste dire «Reste avec moi» tout le long et, un moment donné, il y a un petit extrait enregistré sur un téléphone, je sais pas si c’est son ex, mais qui témoigne qu’elle fait des cauchemars depuis qu’elle prend des anxiolytiques… Je trouve ça tellement fort! Ça vaut toutes le métaphores un peu douteuses et faciles de nuages, de ciel, de rivière qu’on entend beaucoup dans la pop. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est un geste politique, mais… Des fois, il y a beaucoup de mots qui ne veulent pas toujours dire beaucoup de choses. J’essaie d’en dire peu, mais que ce soit évocateur.

Je mentionnais le côté ludique de tes textes, mais plusieurs enjeux y sont évoqués. Tu fais un shout out à Catherine Dorion et à tes ami.es queers sur Chill. Le grind, avec pataugeoire, illustre l’aliénation au travail. On parle souvent de ta musique comme étant feel good, est-ce important pour toi d’aller plus loin, de ne pas te contenter d’être dans le divertissement pur et dur?

Je ne me suis pas levé un matin en me disant : il faudrait que je parle des difficultés de travailler dans l’industrie. Mais t’sais, il y a eu beaucoup de discussions dans les dernières années autour de moi sur le surmenage, à quel point c’est dur de travailler dans ce milieu, qu’on a de la pression, etc. Alors j’imagine que oui, ça m’a touché. Aussi, peut-être naïvement, peut-être pas, je ne pensais pas avoir besoin d’être un modèle et ce n’était pas mon but d’en être un. Mais là, on voit que certains jeunes sont masculinistes et homophobes. On dirait qu’il y a plein de choses qu’on pensait qui étaient réglées et qui ne le sont pas. Mon dieu. I guess que je vais essayer de donner, humblement, un peu l’exemple.

Ton nom d’artiste n’aurait pas pu mieux être choisi, toi qui fais une musique résolument estivale. Qu’est-ce qui t’inspire tant dans cette saison?

Pas mal tout sauf les moustiques. À peu près tout de l’hiver me dégoûte. Je n’ai pas l’impression d’être la meilleure version de moi au mois de février. J’aimerais l’être, je trouve ça difficile, je trouve ça triste.

On entend sur Grosse maison les voix de Claudia Bouvette, Viriginie B, L’Isle, pateaugeoire et Kèthe Magane. Comment ces collaborations te nourrissent-elles?

Je commence toujours mes affaires en faisant l’instrumental chez nous. J’ai beaucoup de plaisir à le faire, mais ce n’est pas toujours une effervescence quand je suis seul dans mon sous-sol à faire mon beat avec mon chien à 9h30 le matin. Ça commence à me surprendre et à m’exciter au moment où j’implique quelqu’un dans le processus. Et comme justement, l’hiver, je trouve ça plate, j’invite plein de monde à faire de la musique, que ce soit pour moi, pour eux, ou pour le dossier des chansons oubliées. C’est différent dans chaque cas, mais il y a toujours un très grand plaisir qui se ressent en studio et sur le résultat.


Super Plage jouera en première partie de Odezenne le 19 juin à la SAT dans le cadre des Francos de Montréal.

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