Le talent, la présence et le charme magnétique d’Audrey-Michèle suffisent à eux seuls pour suspendre le temps et captiver l’attention. Mais l’autrice-compositrice-interprète s’est assurée d’obtenir une qualité d’écoute optimale en demandant au public de sa rentrée montréalaise de laisser son cellulaire au vestiaire. Résultat? Une immersion totale dans un spectacle intimiste, émouvant et chaleureux à souhait.
En arrivant au Ministère jeudi soir, le public était invité à laisser son téléphone dans un casier sécurisé au vestiaire, conformément aux directives de l’initiative Hors ligne, lancée par Audrey-Michèle. Avant même que Mathéo Hannequin n’entame la première partie, il régnait une ambiance singulière dans la salle, chaque personne semblant profiter pleinement de l’instant présent en discutant autour d’un verre, sans distraction.
L’arrivée sur scène d’Audrey-Michèle et de ses musiciens a été perturbée par un vilain problème technique affectant la basse de David Massé. Dotée d’une solide répartie, la musicienne a alors invité le public à scroller le temps de régler le pépin, suscitant des rires nourris dans la salle.
Ce démarrage en dents de scie a rapidement été oublié une fois qu’on s'est plongé dans la douceur de Ma maison c’est pas ta maison, première chanson de son magnifique album La montagne en forme de maison, sorti l’automne dernier. Pour les 90 minutes qui ont suivi – cette durée est une estimation; sans téléphone pour regarder l’heure, on a complètement perdu la notion du temps – Audrey-Michèle et ses musiciens ont livré une performance généreuse et envoutante.
En partageant avec le public le contexte de création de ces chansons, qui découlent d’une rupture amoureuse, la chanteuse a donné une profondeur supplémentaire à sa musique d’une beauté renversante et empreinte d'une grande poésie.
Il faut dire qu’Audrey-Michèle est particulièrement bien entourée. Celle qui œuvre depuis une quinzaine d’années à titre de choriste et musicienne auprès d’artistes renommés comme Michel Rivard, Paul Piché, Galaxie, Karim Ouellet et Tire le coyote a pu compter sur le talent d’écriture de ses amis musiciens pour la confection de son premier album. Michel Rivard lui a ainsi prêté sa plume pour Matins de confiture, Philippe B pour Le loup et Katrine Noël des Hay Babies pour Toundra. Reconnaissante, l’artiste a pris le temps de leur faire une belle fleur.
Stéphane Lafleur d’Avec pas d’casque lui a pour sa part écrit Les étoiles mortes, une de ses plus belles chansons, mais aussi un titre inédit, Femme montagne, qu’elle a interprété jeudi soir.
Bien qu’on reconnaisse leurs plumes respectives, Audrey-Michèle s’approprie à merveille les mots de ces auteurs grâce à son interprétation empreinte de douceur, portée par sa voix claire et puissante qui transmet à chaque note des émotions brutes.
Pour incarner la voix masculine sur Le loup, interprétée sur l'album par Gab Bouchard, Mathéo Hannequin a formidablement pris le flambeau. Parmi les autres temps forts, citons ce chœur d’enfants venu rejoindre Audrey-Michèle sur scène en fin de spectacle. Essuyant ses larmes, la musicienne a eu du mal à se ressaisir. Émouvant.
En plus de ses propres chansons, Audrey-Michèle a offert deux reprises exceptionnellement senties: L’engeôlière de Richard Desjardins et La symphonie des éclairs de Zaho de Sagazan. Deux interprétations inoubliables savourées dans un silence religieux.
Le bilan de l’expérience est positif. Alors qu'il semble y avoir autant de téléphones cellulaires allumés que de spectateurs dans la plupart des salles de spectacle, il est particulièrement rafraîchissant de se concentrer pleinement sur le moment présent, sans se soucier du nombre de vues que récoltera notre story. En bannissant les téléphones, Audrey-Michèle a réussi son pari de créer un pur moment de communion entre elle et son public.