Ceci est la traduction adaptée d’un article de Tomás Mier par Rolling Stone le 3 mars 2025. Nous republions l'article originalement intitulé Was the Music From ‘Emilia Perez’ Actually Good Enough to Win an Oscar? avec la permission de son auteur. Notez que certaines subtilités et nuances peuvent différer de la version originale.
La saga Emilia Pérez est terminée. Dieu merci. Lors de la cérémonie des Oscars dimanche soir, le film controversé a clôturé sa difficile saison des récompenses avec deux trophées : un pour Zoe Saldaña, sacrée Meilleure actrice dans un second rôle, et l’autre pour El Mal, qui a remporté l’Oscar de la Meilleure chanson originale. Un morceau qui donne l’impression d’avoir été écrit avec un outil de traduction du français vers l’anglais vers l’espagnol encore pire que ChatGPT.
Vous vous souvenez peut-être des deux personnes qui ont chanté sur scène en acceptant le prix, provoquant un malaise collectif chez les téléspectateurs. Il s’agissait des directeurs musicaux français de Emilia Pérez, Camille et Clément Ducol. S’ils méritaient un trophée, c’était pour la production et les arrangements musicaux (ils savent clairement ce qu’ils font) — et pour la manière dont ils ont réussi à sauver les performances vocales de Karla Sofía Gascón à l’aide de filtres vocaux. Mais les paroles et les thèmes de leurs chansons laissaient franchement à désirer.
Les mêmes critiques formulées à l’encontre du film — l’absence d’une perspective mexicaine dans une histoire se déroulant au Mexique, un traitement superficiel des expériences trans et l’espagnol limité de Selena Gomez — s’appliquent également à la bande originale. Le seul lien direct avec Mexico, où se déroule une grande partie du film, est la chanson d’ouverture, Fierro Viejo, qui emprunte des sons d’ambiance de la ville… sans jamais revenir aux sonorités mexicaines par la suite. Quel gâchis, alors que la música mexicana est en pleine ascension! Surtout quand tant d’artistes du genre — y compris des musiciens locaux — chantent déjà sur la culture narco que le film explore. Ils auraient au moins pu glisser quelques accords de charcheta quelque part, non?
El Mal, la chanson primée aux Oscars, arrive à mi-parcours du film. On y entend Rita, le personnage de Saldaña, utiliser un argot mexicain qui sonne faux, truffé de termes comme chingar, pinche et bombón, alignés comme s’ils sortaient d’une liste de vocabulaire. Pendant ce temps, la voix lyrique de Gascón est artificiellement retouchée à l’Auto-Tune. Pourtant, El Mal marque l’un des moments les plus marquants du film: Rita traverse une réception en interpellant, une à une, les figures politiques présentes.
En acceptant l’Oscar dimanche soir, Camille a décrit la chanson comme «une dénonciation de la corruption», soulignant son aspect politique. Il est d’autant plus ironique, donc, qu’elle ait raté l’occasion d’évoquer les récentes et terribles attaques contre les personnes trans, la communauté même qui est au centre du film. (Zoe Saldaña n’a pas non plus mentionné les personnes trans dans son discours de remerciement. Elle a ensuite déçu beaucoup de monde en déclarant qu’elle ne considérait pas le cœur du film comme étant le Mexique, après qu’un journaliste mexicain lui a demandé si le pays s’était senti «blessé» par le film. En coulisses, un journaliste de Rolling Stone a également interrogé le réalisateur Jacques Audiard sur l’absence de mention de la communauté trans par l’équipe du film. Il a répondu : «Puisque je n’ai pas gagné Meilleur film ou Meilleur réalisateur, je n’ai pas eu l’occasion de parler. Mais si j’avais eu cette opportunité, je l’aurais fait.»)
Et puis, il y a les chansons de Selena Gomez : si son incapacité à rouler les R n’était pas aussi distrayante, Mi Camino aurait pu être une parfaite chanson pop, voire une solide candidate aux Oscars. Les paroles du refrain, «Quiero quererme a mí misma / Querer, sí, mi vida», sont simples (comme beaucoup de paroles du film), mais finalement accrocheuses. Cependant, le manque de fluidité de Gomez en espagnol empêche le morceau de vraiment fonctionner.
Il y a aussi Bienvenida, qui repose entièrement sur une mauvaise traduction. L’expression qu’ils semblaient chercher était «de nada», qui signifie «de rien» ou «je vous en prie». Au lieu de cela, ils ont utilisé «bienvenida», qui signifie littéralement «bienvenue». Une erreur de traduction minime mais cruciale, qui aurait pu être évitée avec une meilleure maîtrise de la langue… ou avec davantage d’implication de personnes mexicaines dans le projet.
C’est d’autant plus incompréhensible de voir Emilia Pérez remporter un prix pour sa musique alors qu’un de ses extraits les plus viraux a été moqué pour la chanson La Vaginoplastía, qui réduit les soins d’affirmation de genre à une explication simpliste : «De homme à femme… Du pénis au vagin.» (Sans compter que l’interprétation vocale y est aussi catastrophique.) Si La Vaginoplastía est l’exemple le plus flagrant du traitement insensible des questions trans dans le film, les problèmes persistent sur El Amor. Camille et Ducol interprètent de manière erronée la complexité et l’intensité de la dysphorie de genre en la réduisant à «moitié lui, moitié elle», «moitié jefe» (masculin) et «moitié reine».
Voir Emilia Pérez remporter l’Oscar de la Meilleure chanson originale avait un goût amer. Mais ce n’est pas si surprenant, étant donné que l’Académie manque cruellement de représentation des communautés que le film prétendait mettre en avant: les femmes trans, les travailleurs précaires et les Mexicains. Avec une trame sonore souffrant des mêmes défauts que le film, cette victoire aux Oscars portera toujours un astérisque.
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