Quiconque a vu Klô Pelgag sur scène peut témoigner de sa fougue indomptable, de son énergie punk et de sa rafraichissante spontanéité. «J’aime beaucoup suer et être essoufflée, dit-elle. Finir un spectacle un peu drainée, c’est mon best.» L’artiste que je rencontre par une journée pluvieuse est à l’extrême opposé de la performeuse : elle est douce, réfléchie et introvertie. Sa voix basse et posée contraste largement avec l’animation bruyante du restaurant bondé où nous sommes installées.
Ces différentes facettes de Chloé Pelletier-Gagnon cohabitent très bien chez elle. Après tout, nous sommes tous faits de paradoxes et de multitudes. «Il y a des fois où je me sens vraiment plus moi-même sur scène que quand je croise quelqu’un que je connais un peu à l’épicerie et qu’on fait du small talk. Là, j’ai de la misère!» dit-elle en riant.
Heureusement, notre conversation sera tout sauf du small talk : on abordera plutôt en profondeur ce qui habite l’artiste : sa quête de bonheur et de liberté, son anxiété, le poids de la vie et celui, plus récent, de la maternité. Mais aussi, l’immense plaisir d’innover, de créer et de jouer. Pour jaser de tout ça et bien plus, Klô me donne rendez-vous dans une institution montréalaise, le Pho Lien dans Côte-des-Neiges, un endroit qu’elle affectionne particulièrement. Un endroit à son image : d’une qualité indéniable et sans prétention.
Photographe: Raphaëlle Sohier / Production exécutive: Elizabeth Crisante & Amanda Dorenberg / Design: Alex Filipas / Retouches photo: Bryan Egan/ Couvre-chef: Tristan Réhel
Elle revient alors tout juste de vacances dans le Bas-du-Fleuve, où se trouve la maison ancestrale de sa famille. «C’est l’endroit où je vais quand j’ai du temps. J’oublie toujours à quel point c’est beau. Ça me fait capoter, s’émerveille-t-elle. C’est tellement beau l’été! La lumière à tous les moments de la journée, les couchers de soleil…»
La Montréalaise d’adoption est visiblement ressourcée et reposée de ce séjour. Il faut dire qu’on la rencontre dans une période tranquille, à quelques semaines du tourbillon médiatique entourant la sortie de son quatrième album, Abracadabra. Une des sorties les plus attendues de l’automne, Klô Pelgag faisant partie des artistes les plus en vue du Québec depuis les dix dernières années.
Son effort précédent, Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, a été couronné de succès. Il lui a notamment valu 13 prix Félix en 2021, lui permettant non seulement d’égaler un record établi par Céline Dion, mais aussi de faire passer à 20 son impressionnante collection de trophées. Cerise sur le sundae, elle a été nommée sur la courte liste du prix Polaris la même année. Rien pour faire descendre la pression qui vient avec la création d’un nouvel album.
«Idéalement, je veux que le plus de gens possible aiment le dernier truc que j’ai fait, mais je n’ai pas de pouvoir là-dessus. C’est aussi un piège, de recevoir beaucoup de reconnaissance, ajoute-t-elle. Je le savais à l’Adisq, quand j’ai eu mes Félix. C’est vraiment le fun à recevoir, mais je ne dois pas m’attacher à ça parce que c’est un peu dangereux. Quand tu as quelque chose, tu en veux toujours plus après.»
Une de mes plus grandes peurs est de me répéter et de me vautrer dans un certain confort.
Ce précédent album avait justement été conçu en réponse au surmenage qu’elle avait vécu dans la foulée de la sortie de ses deux premiers disques, L’alchimie des monstres et L’étoile thoracique, respectivement parus en 2013 et en 2016, à une époque pas si lointaine où on prenait trop peu en compte la santé mentale des artistes. «On n’en parlait pas. Puis, le dernier album est sorti en pandémie et, en même temps, je suis devenue mère, ce qui a changé mes perspectives par rapport à tout», dit-elle juste avant de commander une soupe Pho au bœuf saignant.
Justement, sur Abracadabra, elle aborde son vécu de mère dans la magnifique chanson Lettre à une jeune poète, où elle s’adresse avec une vulnérabilité et une introspection désarmantes à sa fille, lui chantant entre autres cette phrase bouleversante : «Je t’ai donné la vie, je voudrais te donner envie de la vivre».
«En ce moment, ça va bien, mais dans les moments où ça va moins bien, ça peut être très deep, explique-t-elle, cherchant les mots justes pour détailler sa pensée. Je trouve ça tellement heavy de mettre au monde quelqu’un. T’sais, d’être son premier lien avec le monde. C’est tellement important. C’est gros, là! On réalise pas toujours à quel point ça définit ce qu’on devient.»
D’un point de vue pratico-pratique, la maternité a aussi impacté le processus de création et d’enregistrement de ce nouvel album. «Honnêtement, ça s’est passé vite, c’était comme un élan. Je suis partie quelques fois des trois jours pour pouvoir travailler jour et nuit – avec un jeune enfant, je ne peux plus travailler jusqu’à 4h du matin tous les jours, t’sais. J’avais ce sentiment d’urgence : il faut que je le fasse là. Il y a ça et aussi, le fait que… Je ne veux pas dire comme tout le monde que j’ai un déficit d’attention, mais quand même un peu. J’ai le sentiment qu’il faut que ça aille vite sinon je vais perdre l’intérêt. Quand je suis dans la zone, j’aime tout lancer ce que je peux au maximum.»
Photographe: Raphaëlle Sohier / Retouches photo: Bryan Egan
Klô confie avoir été habitée par une grande anxiété pendant la création. «À chaque début d’album, j’ai toujours ressenti ça. Comme si le sol se dérobait sous mes pieds. En même temps, ça vient avec une certaine excitation. C’est un vertige, mais j’ai quand même une très grande peur et angoisse face à ça. Est-ce que je suis encore capable? Est-ce que c’est encore pertinent? Ma façon d’aborder la musique est probablement beaucoup trop intense pour rien.»
Qu’est-ce qu’elle veut dire par là, au juste? «Dans le sens où c’est une question de vie ou de mort, quasiment. Il y a beaucoup de musiciens comme ça, que c’est la chose la plus… C’est comme si…» Elle s’arrête, réfléchit, hésite. Visiblement, elle ne prend pas ces choses à la légère. «C’est ça, je ne prends absolument pas ça à la légère, mais j’essaie de travailler là-dessus. Je pense que ça transparaît même dans ma musique. J’ai appris à le voir parce que les gens me l’ont dit, mais il y a dans mes chansons quelque chose d’un peu épique, de très, genre, aaaaaahhh!!!» s’exclame-t-elle en concluant sa tirade d’un grand éclat de rire.
Il est vrai que la musique de Klô Pelgag ne verse pas dans le minimalisme, même si elle caresse depuis plusieurs années l’idée de faire un album dépouillé. «Ça va arriver un jour, mais il faut que ce soit le bon moment. J’ai quand même beaucoup de douceur en moi.» Je suis à même d’en témoigner, mais en attendant, l’artiste a beaucoup d’émotions à extérioriser sur sa nouvelle collection de chansons qui, fidèle à son répertoire, est riche et dense en arrangements de cordes et de synthétiseurs, ce qui donne un caractère plus grand que nature à sa musique.
En préparant cette entrevue, je relève à quel point Klô Pelgag est une artiste foncièrement libre, qui semble créer sans aucune contrainte. Avant même que j’aborde le sujet, elle amorce une réflexion à voix haute : «Je me suis beaucoup questionnée sur la liberté dans les dernières années parce qu’on m’a tellement définie comme quelqu’un de libre; c’est ce qui ressort le plus dans ce qui est dit de moi. Je comprends pourquoi on pense ça, mais en même temps, je ne me sens pas libre. Il y a quelque chose dans la création qui peut devenir un peu une prison.»
Pour s’évader de cette prison, elle en est venue à la sage conclusion qu’il est sain de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. «Il faut développer d’autres aspects de sa vie, c’est ce que je réalise en vieillissant. Trouver un équilibre. La plupart des gens qui font de la musique, comme moi, sont perçus à un certain moment de leur vie comme des weirdos. Puis, on se sent accepté quand les gens aiment ce qu’on fait. Alors on se dit : la musique m’a sauvé la vie! expose-t-elle. Ça donne un sentiment d’approbation. Sauf que ça n’est pas nécessairement la bonne façon d’arriver à être bien avec soi-même. Il faut que la confiance vienne de soi, pas des autres.»
Tout ça nous ramène à la quête du bonheur, fragile et éphémère, un thème très présent dans l’œuvre de Klô Pelgag. Un bonheur souvent illusoire pour les personnes qui font un métier public comme le sien, observe-t-elle. «Souvent, on a l’impression qu’on a accédé à quelque chose, mais dans le fond, les gens les plus heureux que j’ai rencontrés sont juste bien tout seuls, ils n’ont pas nécessairement besoin des autres.»
Abracadabra, le formidable titre de son nouvel album, fait justement référence à cette quête d’absolu. Elle prononce cette formule magique sur la chanson Jim Morrison, exprimant ainsi le souhait d’«appartenir à un moment parfait».
«Dans ce mot, il y a l’espoir de trouver une formule qui réglerait tout ce qui ne va pas bien, détaille-t-elle, se décrivant comme une hypersensible. Tout ce qui se passe, comme les génocides, ça me rentre dedans. Ça a beaucoup d’influence sur comment je vis quotidiennement – ça aussi, c’est à travailler, j’imagine! C’est dur. Aussi, cet album a été créé en postpandémie, où on dirait que les gens sont encore plus violents, plus fâchés, plus en détresse psychologique. Abracadabra, c’est un peu tout ça : faites que quelque chose se passe pour que ça aille mieux… Et puis, je trouvais vraiment drôle d’appeler mon album de même!»
Au beau milieu de ces grandes – et saines – remises en question, Klô Pelgag interrompt le flot de sa pensée. «Derrière cet album, il y a toutes ces réflexions qui sont difficiles à… T’sais, l’exercice de faire des entrevues. J’essaie de comprendre ce que j’ai fait pour pouvoir en parler, mais c’est dur de parler de ce que je fais!»
Je profite de cette porte qu’elle m’ouvre pour aborder son rapport avec les médias et son aisance à se prêter au jeu de l’entrevue. «En général, je dirais que ça me rend très anxieuse, mais ça dépend vraiment des fits, comme tout dans la vie. C’est plus difficile en télévision, t’as l’impression que tu dois vraiment aller straight to the point, faire passer tes trucs vites.»
Elle s’y habitue peu à peu, sans pour autant trop s’exposer dans les contextes où elle ne se sent pas à sa place. «Les questions du genre : “quelle couleur te définit?”, je ne sais jamais quoi répondre! On m’a collé une image de personne un peu fofolle ou funny, mais j’aime mieux dire des choses pour vrai. Je suis quand même un peu pudique aussi, alors qu’on est dans une ère où tout le monde raconte vraiment, mais vraiment tout sur eux et leur intimité dans des podcasts. Je fitte moins avec la mode actuelle.»
Plus tard dans la conversation, elle évoquera aussi son malaise avec le fait d’être reconnue dans les lieux publics. «Quand j’ai commencé à faire de la musique, c’était tellement naïf. Je n’ai jamais voulu être “quelqu’un”. J’aime être incognito.»
Cette absence de compromis tant sur sa personne et dans la création fait partie des raisons pourquoi on la décrit si souvent comme une artiste libre, même si ça peut lui fermer certaines portes. «Je n’ai aucune toune qui a passé à la radio commerciale et j’accepte ça depuis longtemps, commente-t-elle. On a tous nos prisons, comme je disais. Au moins, ça, ça n’en est pas une pour moi. Quelque part, j’ai une liberté parce que je n’ai pas l’impression que les gens attendent autre chose de moi que d’être moi-même. C’est la plus belle chose. Je me trouve chanceuse.»
Quand je vais à l’épicerie et que j’entends la radio, je ne vois vraiment pas comment ma musique pourrait y jouer!
Alors non, vous ne saurez pas quelle couleur définit Klô Pelgag. Par contre, scoop : sa saison préférée est l’automne. Sur Libre, elle chante : «L’automne t’achèves/Les couleurs cachent ta peine/Je reste pour l’hiver/Ta tempête sera la mienne». Et sur Décembre, une chanson qui détonne et qu’elle décrit comme étant «un peu métal sur les bords», elle évoque de «la fin de l’automne, quand plus rien ne pardonne».
Elle sourit dès qu’on émet cette observation. «Il y a plus ça sur cet album, hein? Décembre, c’est une toune sur la dépression saisonnière, dans le fond. Le goût des mangues aussi, ça parle de dépression saisonnière. Ben… Je pense que je fais de la dépression saisonnière!» conclut-elle dans un éclat de rire, avant d’étayer plus sérieusement sa pensée.
«T’sais, au Québec, on vit vraiment plus fortement les saisons. Elles ont un impact sur notre humeur et sur nos émotions, c’est vraiment fou! C’est ce que je trouve de beau dans le fait de vivre ici. Et on ne s’en sortira pas. Au printemps, tout le monde vire fou, comme si tout le monde était un peu high sur la saison! Après, l’été, il faut le vivre – on fait du canot, on va en camping –, parce qu’on n’a pas grand temps! L’automne, c’est fucking beau. C’est ma saison préférée.»
Photographe: Raphaëlle Sohier/ Retouches photo: Bryan Egan/ Blazer: Tishanna Carnevale/ Jupe: Jade Simard / Talons: Black Suede Studio / Bijoux: Marmo & Epiphites / Blouse: Maison Maire
Pour la première fois de sa carrière, Klô Pelgag a entièrement réalisé son album, un processus qu’elle décrit comme «très solitaire» et semé de doutes. «C’est dur d’avoir confiance en ce que tu fais. Pierre Girard, qui a mixé l’album, m’a beaucoup encouragé à faire mes prises de son chez moi, à faire mes voix, à enregistrer le piano et les synthétiseurs, mais… Quand j’ai commencé en musique, t’sais, c’était inimaginable. On dirait que le mot “prise de son” était associé à un métier auquel je ne pouvais pas toucher. Fait que j’ai développé ça, mais ça vient avec de la frustration quand même : tout ce qui est technique, c’est lourd. Transférer les tracks, les envoyer…»
Toutes des étapes de la production d’un album auxquelles on pense rarement à l’écoute, mais qui sont déterminantes dans le résultat final. «Oui, c’est ça, acquiesce-t-elle. Il y a plein de trucs qu’on aurait faits en studio avec les meilleures personnes au monde et ça n’aurait jamais sonné de même parce que c’est l’approche de quelqu’un qui n’a pas les mêmes réflexes. C’est toujours intéressant quand un non-acteur joue un rôle, ça peut créer quelque chose de vraiment hot. Ça fait quand même partie de la signature.»
Cette exploration technique, amorcée avec Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, est poussée encore plus loin sur Abracadabra. À l’écoute de ses 12 nouvelles chansons, le plaisir qu’a pris Klô Pelgag à concevoir et orchestrer ces arrangements grandioses et d’une créativité débordante est palpable. Visiblement, malgré l’anxiété, elle s’est royalement éclatée.
«Ah oui, absolument! confirme-t-elle d’un ton enthousiaste. Dans les moments où j’étais dans l’action de créer quelque chose de nouveau, j’ai vraiment eu du fun. C’est ce que je cherche : repousser mes limites et avancer, grandir là-dedans. Toutes les ressources qu’on trouve en soi pour arriver à faire ce qu’on fait, il n’y a rien de plus beau. Ça fait se sentir vivant.»
Intuitivement, j’ai essayé de faire des tounes les plus différentes les unes des autres parce que j’aime expérimenter plein de choses.
Sa façon si unique de mordre dans les mots qu’elle chante, avec son phrasé caractéristique et sa voix expressive, fait toujours partie de sa signature. Sur certains titres, comme Coupable, elle joue particulièrement avec son intonation, découpant et étirant les syllabes. Je me risque à une piètre imitation pour mieux lui expliquer ce que je veux dire, ce qui la fait rire. «Avec un de mes musiciens, on a beaucoup écouté une chanteuse turque qui s’appelle Gülden Karaböcek. En studio, il m’a dit : “Ouh, Gülden Karaböcek, influence!” Je n’y avais pas pensé, mais des fois il y a juste des trucs qui poppent.»
Alors qu’on discute davantage de l’instrumentation d’Abracadabra – «j’ai souvent traité les synthétiseurs comme un orchestre plutôt que de mettre automatiquement des cordes», observe-t-elle – Klô lance des fleurs à ses musiciens Étienne Dupré, Pete Pételle, Virginie Reid et François Zaïdan. «J’ai la chance d’être super bien entourée. Chaque fois que je leur envoyais des trucs, ils tripaient. Et ils m’ont tous dit que c’était leur album préféré. J’essaie de ne pas prendre ma motivation des autres, mais venant de gens que je respecte, c’est une belle chose.»
L’artiste est fidèle depuis plusieurs années à ce noyau de collaborateurs, qui l’accompagne autant en studio qu’en tournée. «Pour moi, c’est une sorte de famille parce qu’on partage tout : on pleure, on pète, on dort ensemble… C’est quand même une grande proximité!»
Photographe: Raphaëlle Sohier / Blazer: Vivienne Westwood/ Jupe: Jade Simard / Talons: Black Suede Studio / Bijoux: Epiphites/ Blouse: Maison Maire
Lors de notre rencontre, Klô Pelgag s’apprête justement à entrer en répétition avec eux en vue de ses prochains spectacles. «J’ai vraiment très hâte de faire des shows, mais je me suis gardée ça pour plus tard en 2025, je ne sais plus pourquoi, lance-t-elle en riant. Mais peut-être que c’est bon de créer de l’attente, d’avoir hâte et d’être excitée par rapport à ça.»
Au fil des ans, elle nous a habitués à des surprises absurdes, des costumes et maquillages flamboyants ainsi qu’à des performances qui décoiffent. Les fans se souviendront de son savoureux spectacle thématique sur les fruits qui concluait la tournée L’Alchimie des monstres ainsi que de Vivre, son «spectacle spectral» pandémique mettant en scène du poulet frit, le jeu du parachute et des combinaisons Hazmat.
Quels tours de magie nous prépare-t-elle pour la tournée d’Abracadabra? Mystère et boule de gomme. «C’est très important pour moi l’improvisation sur scène. Dans la dernière année, je tournais à certaines occasions en solo, en formule piano-voix. Le concept était vraiment de ne pas avoir de setlist, de jouer des tounes différentes pis que ce soit jamais la même chose, que je ne sois jamais safe, t’sais.»
Le spectacle, c’est tout ce que l’album ne peut pas offrir. C’est d’autres dimensions qui s’ouvrent.
Difficile de croire en remontant son impressionnant parcours que, contrairement à bien d’autres artistes, Klô Pelgag n’a jamais rêvé de gagner sa vie avec son art durant sa jeunesse à Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie. Certes, ses frères et elle ont appris le piano – elle se décrit d’ailleurs comme une élève «très indisciplinée», sommes-nous surpris? –, mais leurs parents, tous deux travailleurs sociaux, n’étaient pas particulièrement portés sur la musique. Ce qui n’empêchait pas la famille d’être fière de l’oncle de son père, «le petit André [Gagnon], devenu grand musicien international».
C’est en s’installant dans la métropole pour entreprendre des études à l’Université de Montréal – «à côté d’ici», dit-elle – qu’elle tente sa chance en chanson avec le succès qu’on connait. Quand je lui demande si elle se voit faire ça encore longtemps, sa réaction me surprend : «Faire de la musique? Je sais pas!» dit-elle en éclatant d’un rire vif.
C’est que Klô Pelgag n’est pas du genre à se projeter très loin dans l’avenir. «Ça a vraiment le temps de changer beaucoup, la vie. Peut-être que ça serait le fun avec deux autres filles de partir en tournée et de jouer nos vieilles tounes! blague-t-elle, faisant un clin d’œil au spectacle Pour une histoire d’un soir de Marie Carmen, Joe Bocan et Marie Denise Pelletier. Ou peut-être que je vais être dans le Bas-du-Fleuve et que je voudrai voir personne.»
Ou peut-être qu’elle retournera sur les bancs d’école, avance-t-elle prudemment. Une idée qui lui traverse parfois l’esprit, mais qui est pour l’instant très embryonnaire. «Souvent, je regarde un peu les programmes en ligne, puis je ferme le site. Je n’ose pas tant que ça.» Le milieu communautaire et la relation d’aide lui parlent énormément, même si elle doute d’avoir la force psychologique nécessaire à ce type de métier.
J’avance un cliché mille fois éculé : n’apporte-t-elle pas déjà à travers sa musique une forme de soutien à son public? «Des fois, je reçois des témoignages sur les réseaux sociaux, mais je ne sais jamais quoi répondre. Je trouve que le lien qu’on peut avoir y est limité, répond-elle. Mais oui, la musique peut vraiment avoir beaucoup de bienfaits parce que, pour moi aussi, elle fait ça.»
Tout ça nous ramène à la scène, l’endroit par excellence où le courant passe entre elle et ses fans. Ses yeux s’illuminent soudainement : «Il y a une communion incomparable avec aucun autre moment de vie», se réjouit-elle.
Une communion qui la fait appartenir à un instant parfait. «Ma mère est venue voir un de mes shows cet été et elle m’a dit que tout le monde pleurait! Il y a quelque chose qui se passe, une relation qui vient avec la musique. C’est la plus belle chose de pouvoir communiquer de cette façon. C’est pourquoi j’ai hâte de faire des spectacles.» Abracadabra!