Dans une coïncidence qui ferait croire au canular, le Québec perdait hier, jour de la Fête nationale, l’une de ses figures musicales les plus emblématiques. Serge Fiori, cofondateur et leader d’Harmonium, est décédé ce 24 juin 2025, à l’âge de 73 ans. Poète, mélodiste hors norme et artisan d’une musique qui a su marier le folk, le prog-rock et les musiques expérimentales, Fiori aura façonné à sa manière la bande sonore d’une époque et d’une nation en pleine quête d'identité. Il recevait d'ailleurs une semaine avant sa mort l'Ordre national du Québec.
Né le 4 mars 1952 à Montréal, il grandit dans le quartier de la Petite Italie, au son de l’accordéon de son père, musicien d’origine italienne. Très jeune, il découvre le rock et se forge une voix singulière, empreinte d'émotion et de sensibilité, qui deviendra sa signature. En 1972, sa rencontre avec Michel Normandeau et Louis Valois donne naissance à Harmonium, groupe devenu emblématique d’un Québec en mutation.
Avec trois albums devenus des piliers de la musique francophone, Fiori et ses complices ont su capturer les espoirs, les contradictions et la poésie d’une génération. Des chansons comme Pour un instant, Histoires sans paroles ou Comme un fou résonnent encore dans l’imaginaire collectif après près d'un demi-siècle. Leur album Si on avait besoin d’une cinquième saison a d'ailleurs été nommé l'un des 50 meilleurs albums de rock progressif de tous les temps par Rolling Stone.
Après la dissolution d’Harmonium à la fin des années 1970, Serge Fiori poursuit sa quête d'exploration musicale, mais de manière difféerente, vivant mal avec le succès. Avec Deux cents nuits à l’heure, en collaboration avec Richard Séguin en 1978, il livre un album devenu culte. Puis, il s’éloigne de la scène publique, composant à l’occasion pour le cinéma, la télévision et la publicité, tout en cultivant un rapport pudique à la célébrité.
Son retour surprise en 2014, avec un album solo salué par la critique, rappelle à quel point sa voix et son univers musical demeurent intemporels. Puis vient Seul ensemble, un hommage réinventé à l’œuvre d’Harmonium porté par Louis-Jean Cormier et le Cirque Éloize, suivi du monumental Harmonium symphonique – Histoires sans paroles, qui conquiert un nouveau public.
Depuis l'annonce de son décès hier, les condoléances ne cessent de fuser, sur les réseaux sociaux. Cormier, sur son Facebook, exprimait sa surprise. «Voyons Padré! Tu pars comme ça? À la St-Jean?On s’est texté il y a trois jours. J’ai chanté une des tes tounes hier soir. Aouch. T’auras eu le sens du spectacle jusqu’à la fin.»
«Aujourd'hui est un jour d'émotions partagées… Alors que le Québec célèbre la Saint-Jean-Baptiste, nous sommes aussi profondément attristés d'apprendre le départ d'un de nos géants de la musique, le grand Serge Fiori», a partagé Céline Dion sur son compte Facebook. «Mes pensées vont à sa famille, à ses amis et à tous ceux et celles qui ont aimé sa musique, au Québec et partout dans le monde. Merci, Serge, pour ton héritage inestimable… ta musique, tes mots, ta voix ont apaisé des générations et continueront de résonner dans nos cœurs pour toujours...»
Mononc' Serge, dont le groupe Les Colocs a également été l'un des plus marquants de sa génération, affirme que «Serge Fiori avait, dans ses propres termes, le Québec tatoué sur le coeur. Qu'il décède un 24 juin avait toutes les allures d'une fausse nouvelle, mais c'est manifestement vrai. Ça secoue, metttons. J'ai énormément écouté Fiori dans mes jeunes années et je l'écoute encore régulièrement. Si son influence ne transparait pas dans mes chansons, sa musique, sa voix, sa sensibilité m'ont beaucoup accompagné et habité. Quelle tristesse.»
Le départ de Serge Fiori tourne une page importante de la musique québécoise, mais ses chansons, elles, continueront d’accompagner les nuits blanches, les road trips et les grands moments collectifs.