«C’est peut-être pas la fin du monde, mais c’est quelque chose pour moi.»
Cette phrase, qui ouvre le nouvel album de Safia Nolin, UFO Religion, continue de résonner dans ma tête lorsque je quitte le Miami Deli, après notre entretien.
Après avoir annoncé l’an dernier qu’elle ne sortirait plus d’album, l’artiste a surpris tout le monde plus tôt ce mois-ci, en annonçant ce nouvel opus, qui paraît aujourd’hui de manière indépendante.
«J’avais dit à qui-mieux-mieux que je ne voulais plus sortir d’albums, et c’est un sentiment que j’ai encore. Donc je sortais des singles un peu style rap français, un single à la fois», dit-elle. «J’ai l’impression que quand tu fais un album, ça squeeze tout ensemble. T’as huit, dix, quinze tounes qui étouffent, et là-dedans, t’as des chansons qui ne vivront jamais.Ma volonté d’exister comme ça est quand même limitée, parce que le reste de l’industrie n’est pas faite comme ça. Un jour je me suis retournée et j’avais des tounes, que j’avais écrites pendant trois ans, sans vraiment que je m’en rende compte.»
Le résultat est UFO Religion; huit morceaux écrits par Safia et enregistrés en extérieur. Pourquoi en extérieur? «J’avais envie de faire quelque chose de différent», dit-elle en riant. «J’avais envie de faire quelque chose de différent. Oui, c’est un album, mais je le vois plus comme un moment, une photo. Ma vision est poussée à l’extrême: dans ma musique, je veux prendre des photos de ma vie. Je suis fan de Blair Witch Project, et je voulais faire un espèce de fan footage dans ce style-là.»
On retrouve sur cet album tout ce qui a fait le charme et le succès de Safia Nolin: une plume libre, rêveuse, pleine d’espoir mais profondément déçue. Un album qui la met face à plusieurs sujets, avec en trame de fond ses inquiétudes, qu’elle nous chante (en anglais) du bien que lui fait la psilocybine, sur shrooms, ou qu’elle muse sur la communication sans mots sur une lettre d’amour à son chien, sur Pizzaghetti.Au fil des chansons, elle questionne. Pas seulement elle-même, mais aussi le monde qui l’entoure, nos habitudes et notre inaction; nos peurs fictives quand la réalité bien plus sombre est à nos portes. C’est d’ailleurs ce qui a inspiré le titre de l’album, UFO Religion.
«C’est arrivé parce que je faisais des recherches sur des cultes, et je suis tombé sur cette catégorie-là. Ça m’intéresse beaucoup ces sujets-là, et je crois que je comprends plus les gens qui croient à ça qu’en un Dieu basic qui tombe du ciel. Je trouve qu’il y a de quoi de poétique dans le fait de penser qu’il y a du monde qui nous ressemble sur une autre planète.»
Bien que le sujet l’intéresse, il la trouble aussi. Quand je lui demande si elle aimerait que l’on découvre une forme de vie extra-terrestre de son vivant, elle affirme que non. Par peur qu’ils soient malveillants? «Nooonnn… oui. Oui, 100%. Mais si tu me jures qu’ils sont là et qu’ils sont bienveillants, j’ai surtout peur de ce que nous on pourrait leur faire. Parce que nous ont est malveillants, for sure! C’est certain que si on débarque sur une autre planète, ils auraient peut-être peur. Ou, en tout cas, ils devraient!! Je ne sais pas si l’humain est une entité bienveillante.»
Elle évoque en exemple Contact, le film de science-fiction sorti en 1997 et mettant en vedette Jodie Foster dans le rôle d’une chercheuse qui trouve des preuves de vie extra-terrestre et est désignée pour effectuer le premier contact avec eux. «J’étais tellement perturbée par ce film. Imagine si on pouvait parler avec les aliens, la conversation qu’on aurait avec eux! ‘Pourquoi est-ce qu’on est en train de péter notre planète?’. ‘Pourquoi est-ce qu’on s’attaque entre nous et qu’on opprime les autres?’»
Si l’album a une ligne directrice, ce sont probablement ces questions-là, celles qui font à Safia se demander si elle est humaine ou si, comme elle le dit, elle est «née sur une autre planète» et «échappée ici par erreur, espérant qu’on revienne me chercher». Safia décrit UFO Religion comme une réflexion sur la fin du monde, la transformation, et le déséquilibre entre ce que la société promet et ce qu’elle retire finalement.
«Pour moi, cet album-là, c’est comme un sas de décompression, pour tous ces sujets-là. C’est un appel au recul, au calme et au ralentissement. C’est un projet qui t’oblige à ralentir, à réfléchir et à te préparer pour ce qui s’en vient.»
Au final, comme une réponse à toutes ces questions, UFO Religion se termine avec claps sur ce qu’il restera, après «ce qui s’en vient», le bruit du vent à travers les arbres, et les mots de Karim Ouellet dans sa chanson Trente: «Je sais que tout est de ma faute. Et que je suis plus fou que les autres. Je sais que je vais remonter la côte. Mais si je saute, est-ce que tu sautes?»