À l’approche de leurs spectacles prévus au Canada en octobre prochain, les groupes Kneecap et Bob Vylan sont de plus en plus ciblés par des pressions politiques et communautaires en sol canadien, rapporte la Presse canadienne. Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) demande au gouvernement fédéral d’interdire l’entrée aux deux groupes, tous deux actuellement visés par une enquête au Royaume-Uni à la suite de leur passage au festival de Glastonbury.
Dans une lettre adressée aux ministres canadiens de la Sécurité publique et de l’Immigration, le vice-président aux relations gouvernementales du CIJA, David Cooper, réclame que les membres des deux groupes soient jugés inadmissibles au pays en vertu des lois canadiennes sur les discours haineux. «Autoriser des artistes qui glorifient le terrorisme ou incitent à la haine à entrer au Canada et à s’y produire envoie un signal profondément troublant», écrit-il.
Lors du festival Glastonbury en juin dernier, Bob Vylan, un duo punk-rap de Londres, a attiré l’attention des médias britanniques après avoir lancé un slogan dénonçant l’armée israélienne: «Death to the IDF». Ce cri de ralliement, repris par une partie de la foule, a provoqué une onde de choc. La BBC, qui diffusait l’événement, a rapidement retiré la captation de son site et s’est excusée de ne pas avoir interrompu la retransmission en direct. Depuis, la police d’Avon et Somerset a ouvert une enquête pour infraction potentielle à l’ordre public.
De leur côté, les membres du groupe nord-irlandais Kneecap n’ont pas repris le même slogan, mais ont arboré des drapeaux palestiniens sur scène et critiqué vigoureusement le premier ministre britannique Keir Starmer. Le groupe est déjà familier avec la controverse: l’un de ses membres, Mo Chara, a été accusé en 2024 d’avoir brandi un drapeau du Hezbollah lors d’un concert à Derry, une infraction potentielle à la loi antiterroriste britannique.
La demande du CIJA a été relayée par le controversé député libéral Anthony Housefather, qui affirme avoir soulevé la question directement avec le ministre de la Sécurité publique, Gary Anandasangaree. «À mes yeux, ces artistes ne devraient pas être admissibles au Canada», a-t-il déclaré en entrevue, ajoutant qu’il est essentiel d’assurer qu’aucune demande d’entrée ne soit approuvée.
Le ministère de l’Immigration n’a pas commenté la demande, invoquant les restrictions liées à la vie privée. Un porte-parole a toutefois rappelé que toute demande d’entrée au Canada est évaluée individuellement, et que l’accès peut être refusé pour des motifs de sécurité, de violation des droits humains ou d’activités criminelles.
Le débat a pris une nouvelle tournure lorsqu’un groupe appelé «Indigenous Embassy Jerusalem» a demandé à Live Nation et au promoteur MRG Group d’annuler les spectacles de Kneecap au Canada. Dans une lettre publique, le groupe affirme qu’autoriser Kneecap à se produire violerait des «traités de paix signés par des chefs autochtones» et reviendrait à «glorifier le terrorisme et la haine».
Mais la légitimité de cette prise de position est remise en question. Aucun des signataires de cette déclaration n’occupe actuellement un poste de direction dans une communauté autochtone au Canada. Plusieurs sont d’anciens chefs ou des leaders religieux affiliés au mouvement évangélique chrétien sioniste. Leur voix, bien que réelle, ne reflète pas la position des organisations représentatives des Premières Nations, des Inuits ou des Métis. À l’inverse, de nombreuses voix autochtones, notamment parmi les artistes, les étudiants et les militants, ont exprimé leur solidarité avec le peuple palestinien et dénoncé les politiques israéliennes à Gaza et en Cisjordanie.
Alors que les enquêtes policières se poursuivent au Royaume-Uni, la situation pose des questions délicates sur l’application des lois canadiennes en matière de discours haineux et sur la liberté d’expression dans le contexte artistique. Le gouvernement Carney se trouve ainsi sous pression: devra-t-il suivre l’exemple des États-Unis, qui ont révoqué les visas de Bob Vylan, ou privilégiera-t-il une approche fondée sur le respect des droits individuels?