Ceci est la traduction adaptée d’un article de Jason Fine, originalement publié par Rolling Stone le 18 juin 2025. Nous republions l'article originalement intitulé Brian Wilson’s Last Playlist, avec la permission de son auteur. Notez que certaines subtilités et nuances peuvent différer de la version originale.
La dernière fois que j’ai vu Brian Wilson, c’était en mars dernier. Depuis la mort de sa femme, Melinda, en 2024, j’allais lui rendre visite tous les deux ou trois mois. Brian avait cessé de faire des tournées deux ans plus tôt ; il était essentiellement à la retraite. On passait du temps à regarder des documentaires musicaux et des matchs des Lakers, ou simplement à se détendre dans sa cour pendant que ses enfants nageaient dans la piscine ou faisaient leurs devoirs à la table de la cuisine. Son chien préféré, un caniche noir arthritique de 12 ans nommé Jet, restait constamment à ses côtés, tandis qu’un véritable zoo de chiens aboyaient jalousement depuis la cuisine. Toutes les quelques minutes, Jet déposait son jouet à mâcher sur les genoux de Brian. Ancien athlète vedette au secondaire, Brian rêvait autrefois de jouer au champ centre pour les Yankees de New York, avant d’être «dévié de sa trajectoire» par la musique. À 82 ans, il lançait encore le jouet à travers la pièce avec une facilité déconcertante — son bras était resté naturel.
Certains jours, on descendait jusqu’à Malibu pour manger des fruits de mer et boire des milkshakes à Paradise Cove, ou encore pour savourer un repas thaï dans son resto préféré sur la Pacific Coast Highway. D’autres fois, on réunissait quelques-uns de ses amis proches pour un souper de steaks ribeye et de crème brûlée chez Musso & Frank à Hollywood.
Aujourd’hui, quand je suis arrivé, il s’est exclamé avec enthousiasme : «Jason Fucking Fine, j’y crois pas !», puis il est parti à rire. Il avait l’air amaigri et pâle, mais toujours juvénile, les cheveux d’argent lissés vers l’arrière et les yeux bleu clair brillants. Je connais Brian depuis près de 30 ans, et pour moi, il n’a pas seulement été un sujet fascinant à écrire — il a aussi été un ami drôle et attentionné, l’une des personnes les plus gentilles et sensibles que j’ai connues. Je ne l’ai jamais entendu prononcer un mot négatif sur qui que ce soit (même pas ceux qui ont profité de lui ou l’ont maltraité), et il fait toujours l’effort de mettre tout le monde à l’aise, amis comme inconnus. Pas plus tard qu’il y a quelques mois, alors qu’on quittait un hôtel à New York, l’ascenseur s’est arrêté à un étage inférieur. Un homme est monté, et il a eu un haut-le-cœur en reconnaissant Brian Wilson (même à plus de 80 ans, il se faisait reconnaître partout). Il avait l’air nerveux en descendant avec nous. Brian lui a doucement posé la main sur l’épaule : «Ne vous inquiétez pas, monsieur. On va vous amener au rez-de-chaussée en toute sécurité.»
Brian a traversé des pertes immenses — ses parents, ses deux frères, sa femme, des membres de son groupe. Quand mon propre père est décédé, il m’a appelé. «Faut que je te donne un conseil, et ça va pas être facile à entendre, m’a-t-il dit. Aussi terrible que tu te sentes maintenant, ça ira jamais mieux. C’est comme ça que tu sais que tu l’aimais, et qu’il t’aimait aussi. C’est comme ça que le lien reste.»
On avait prévu sortir manger des sushis, mais les feux de forêt à Los Angeles avaient fermé plusieurs routes et la qualité de l’air était mauvaise. Brian a donc demandé si on pouvait juste «relaxer» à la maison et «partir de la musique». Il a appelé les chansons qu’il voulait entendre, en commençant par Be My Baby des Ronettes — qu’il considère comme le sommet de la pop. Il estime l’avoir écoutée «au moins 100 000 fois» depuis sa sortie en 1963, mais en le voyant sourire et chanter ses propres harmonies en même temps que le morceau, on aurait dit qu’il l’entendait pour la première fois. On a écouté George Harrison, les Bee Gees, des chansons moins connues des Beach Boys et une série de ses classiques rock & roll préférés — les Stones, Creedence, Buddy Holly. Brian rêvait depuis longtemps d’enregistrer un album de reprises rock. «J’espère que j’ai encore ça en moi», a-t-il lancé.
En l’écoutant, je me suis souvenu d’une conversation qu’on avait eue il y a quelques années. Il venait de quitter la scène à Los Angeles après avoir interprété son album le plus célèbre, Pet Sounds — en fait, il avait quitté la scène environ 45 secondes avant la fin de la dernière chanson, Caroline, No, pour s’effondrer dans son fauteuil noir sur le côté. «J’espère que les gens aiment ma musique, mais je ne le saurai jamais vraiment», avait-il dit, l’air abattu, malgré les acclamations tonitruantes de la foule juste derrière le rideau.
Ça m’a toujours troublé que, malgré toute la beauté et la force vitale de sa musique, Brian ne réalise pas toujours à quel point elle compte pour les gens. J’ai ramené le sujet aujourd’hui et je lui ai demandé s’il sentait que ses chansons pouvaient procurer autant de joie et de réconfort que Be My Baby lui en procure.
«Je sais que les gens aiment ma musique, Jason, m’a-t-il dit. Elle dégage beaucoup d’espoir et beaucoup d’amour. Les gens ont besoin de plus de vibrations positives dans leur vie, tout comme moi.»
La playlist de Brian Wilson
The Ronettes – Be My Baby
George Harrison – My Sweet Lord
The Rolling Stones – My Obsession
Bee Gees – Too Much Heaven
The Ronettes – Baby, I Love You
The Beach Boys – The Night Was So Young
Elton John – Someone Saved My Life Tonight
The Beatles – Strawberry Fields Forever
The Beach Boys – Please Let Me Wonder
Chuck Berry – Johnny B. Goode
The Beach Boys – Mt. Vernon & Fairway
Creedence Clearwater Revival – Proud Mary
Bob Dylan – Mr. Tambourine Man
Dennis Wilson – Pacific Ocean Blues
Buddy Holly – Rave On
The Crystals – Then He Kissed Me
The Beach Boys – It’s OK