Avec plus de deux cents vidéoclips réalisés en un an et un empire créatif en pleine expansion, The.97 est devenu une force déterminante dans la culture visuelle canadienne. Son travail avec des artistes comme Coi Leray, Fridayy, Chris Brown et Yung Bleu lui a valu une reconnaissance internationale, et son influence s’étend maintenant bien au-delà de Toronto. Nous avons discuté avec lui de son parcours, de sa discipline créative et de ce qu’il faut pour bâtir un legs dans le paysage visuel actuel.
Rolling Stone: Tu as récemment participé à un panel où créativité et affaires se croisent avec VaynerMedia, de Gary Vee, à leurs bureaux de New York. Comment est-ce que ça c’est fait, et comment as-tu vécu l’expérience?
Gary m’a écrit directement un jour, sans prévenir. Ça m’a pris par surprise. Je le suis depuis des années, alors qu’il reconnaisse mon travail m’a beaucoup touché. Il m’a invité à passer à son bureau de New York et cette visite s’est transformée en quelque chose de beaucoup plus grand.
J’ai rencontré Mike Boyd et toute l’équipe de Vayner, et j’ai tout de suite eu l’impression d’être dans une pièce pleine de gens qui comprennent vraiment la narration de marque et l’ampleur créative. Ensuite, ils m’ont amené à Cannes pour leurs événements et cette expérience a complètement changé ma façon de voir les choses. On voit comment les plus grandes agences du monde réfléchissent, comment elles relient l’art et le commerce de façon fluide. C’était valorisant, mais aussi inspirant. Ça m’a rappelé que la créativité torontoise a sa place sur cette même scène mondiale.

Tu travailles aussi en étroite collaboration avec Yung Bleu, en réalisant les visuels de tout son nouvel album. Comment cette collaboration a-t-elle commencé?
Curieusement, on s’est rencontrés dans un club au centre-ville de Toronto. Je ne pensais même pas parler affaires ce soir-là, mais il m’a reconnu immédiatement et m’a dit: «Tu es The.97, j’ai vu ton travail.»
À partir de là, on a connecté. L’énergie de Bleu est particulière. C’est un artiste qui tient vraiment à ce que ses visuels soient en lien avec l’émotion de sa musique. On a développé une confiance mutuelle et, très vite, j’ai commencé à conceptualiser tout le déploiement visuel de son album. Quand je prends un projet de cette ampleur, je ne fais pas que réaliser. Je construis un monde autour du son de l’artiste. C’est ce que j’aime le plus.
Ton équipe et toi avez réalisé plus de 200 vidéoclips en un an. C’est un rythme incroyable. Comment arrivez-vous à gérer cette charge de travail tout en demeurant constant?
La passion. C’est aussi simple que ça. Je suis obsédé par les visuels. Du montage à l’étalonnage final, chaque étape est quelque chose que j’aime vraiment. Je ne vois pas ça comme du travail. Je me nourris du processus. Mon rythme de travail repose sur l’efficacité. Mon équipe sait exactement comment j’aime fonctionner. Je suis constamment en train de monter, de repérer des lieux et de créer des concepts.
J’ai appris à traiter la créativité comme un muscle. Plus on l’utilise, plus elle se renforce. Donc je ne m’arrête jamais. La constance ne vient pas de la motivation. Elle vient de la discipline. Quand on aime vraiment ce qu’on fait, l’épuisement professionnel ne se manifeste pas de la même façon. On évolue à travers.

On voit la mannequin Sarah Caamaño à tes côtés dans ta séance photo. Parle-moi de ce choix et de votre histoire commune.
Sarah et moi, on se connaît depuis longtemps. On s’est rencontrés il y a plus de dix ans sur le plateau du vidéoclip de Roy Woods Get You Good. J’étais simplement photographe à l’époque et elle était mannequin. Aucun de nous ne savait jusqu’où tout ça allait nous mener. Cinq ans passent. On est en 2020 et je viens de lancer ma propre compagnie de production, The.97 Collective. Le premier mannequin que j’ai embauché, c’était Sarah. Ça signifiait beaucoup.
Dix ans plus tard, de se retrouver de nouveau ensemble sur un plateau pour Rolling Stone, c’est poétique. C’est un cycle qui se referme. Nos parcours se sont entremêlés d’une manière qui reflète tout ce en quoi je crois: la loyauté, la croissance et une bienveillance qui naît de liens authentiques.
Tu es connu pour ouvir des portes à d’autres créatifs à Toronto. Est-ce que la collaboration est au coeur de ce que vous faites, avec The.97?
On a travaillé avec des centaines de créatifs à Toronto et on les a embauchés. Des directeurs photo, des monteurs, des stylistes, des designers, des producteurs, tout le monde. Notre objectif a toujours dépassé la simple production de vidéos. Il s’agit de créer un système où les talents peuvent s’épanouir. J’ai toujours été ouvert à la collaboration. Si tu as la bonne énergie et l’envie de créer, je vais travailler avec toi.
Toronto regorge de talents cachés qui ont seulement besoin d’occasions et d’une structure pour s’exprimer. The.97 Collective est devenu ce pont. Voir des gens bâtir leur carrière et faire vivre leur famille grâce au travail qu’on fait, c’est ça, le legs. C’est ce qui me garde ancré.

À quoi ressemble une journée typique pour toi?
Je suis un oiseau de nuit. Mes heures les plus créatives commencent après minuit. Je mange une fois par jour. C’est simplement comme ça que mon corps et mon esprit restent concentrés. Mes journées sont structurées, mais fluides.
Je me réveille habituellement en fin de matinée, je révise des montages et je règle des réunions d’affaires l’après-midi. Une fois le soleil couché, c’est là que je me mets véritablement au travail, que ce soit pour monter, écrire des traitements ou planifier des tournages. J’ai un mode de vie très routinier et cette discipline est ce qui me garde constant. Tout dans ma vie en ce moment tourne autour de la concentration. J’ai éliminé les distractions parce que la tranquillité d’esprit est mon vrai point d’ancrage.

Pour la prochaine génération de créatifs, quel est ton conseil le plus important?
Crée tes propres occasions. N’attends pas que quelqu’un valide ton talent. Approche les gens, prends des risques et bâtis ton réseau avec énergie et intention. Quand j’ai commencé, personne ne me donnait quoi que ce soit. J’ai dû faire en sorte que ça arrive. La manifestation n’est pas qu’un mot. C’est une pratique. Il faut voir son avenir avant que quiconque d’autre ne le fasse, puis travailler chaque jour comme si on l’avait déjà. Il faut croire en soi même lorsque les résultats ne sont pas encore visibles. C’est comme ça qu’on passe de rêver du succès à le vivre.
Tu t’es bâti un empire à partir de la créativité. Quelle est la prochaine étape pour The.97?
L’expansion. Je veux amener The.97 Collective à l’échelle internationale. On développe déjà des relations à New York, à Los Angeles et à l’étranger. Je nous vois créer des films, du contenu de marque et peut-être même un espace studio où les créatifs canadiens pourront développer des projets compétitifs à l’international. La mission a toujours été la même. Bâtir quelque chose qui me dépasse. Je ne poursuis pas la célébrité. Je veux bâtir un legs.

Comment tout cela a-t-il commencé et quand avez-vous réalisé que c’était devenu beaucoup plus grand que prévu?
Le collectif est né d’une obsession pure. Il n’y avait pas de plan d’affaires, pas d’annonce importante. Juste moi qui avançait jour après jour, projet après projet. Je réalisais, je montais, je bâtissais des liens et, avant même de m’en rendre compte, le nom «The.97» commençait à avoir du poids. Je suis devenu tellement absorbé par la croissance de la compagnie que j’ai arrêté de compter nos accomplissements. Un jour, je me suis arrêté et j’ai réalisé à quel point c’était devenu grand, combien d’artistes on avait accompagnés, combien de personnes comptaient sur nous.
Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. C’est des années d’hyperconcentration, de nuits blanches et d’efforts constants pour s’assurer que chaque projet dépasse le précédent. Les gens parlent beaucoup d’équilibre, mais lorsqu’on construit quelque chose de réel, l’obsession fait partie du processus. Je n’ai jamais vu les heures comme un sacrifice. C’était un investissement. Il ne devrait jamais y avoir de regret lorsqu’on donne tout ce qu’on a à son art. Chaque nuit passée sans dormir, chaque long montage, chaque revers, tout cela est devenu une partie de la fondation de ce qu’est The.97 Collective aujourd’hui.
On ne cherchait pas la validation. On a bâti une constance. C’est ce qui distingue la passion d’un passe-temps. On traite ça comme si notre vie en dépendait. Et, honnêtement, c’était mon cas.

Mihailo Andic

Mihailo Andic
















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