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N NAO est passée maître dans l’art de créer des mariages improbables

Avec «Nouveau Langage», son troisième album, N NAO fait vivre un voyage en apesanteur qui explore les zones liminales entre le rêve et la réalité, entre l’électronique et l’acoustique.

N NAO est passée maître dans l’art de créer des mariages improbables
Léa Taillefer

Des chants d’oiseaux. Des notes de harpe. Cette phrase, chantée d’une voix cristalline : «On nait au monde à toute vitesse». Dès ses premières secondes, Nouveau Langage, le troisième album de Naomie de Lorimier dite N NAO invite à ralentir et à tout mettre sur pause, le temps de profiter pleinement de ce voyage musical sensoriel.

Au confluent de l’électro et de l’acoustique, N NAO offre une dream pop expérimentale hypnotisante et contemplative. Au fil de ses dix nouvelles compositions cohabitent une multitude d’influences musicales et d’instruments : harpe, boucles rythmiques, guitares, orgue, pédales d’effets. «Ça devient une espèce d’invention, réfléchit à voix haute l’artiste rencontrée aux bureaux de sa maison de disques, Mothland. C’est comme des mariages improbables : mettre de la harpe ou de la guitare 12 cordes sur du gros drum and bass, ajouter des bruits de verre brisé quelque part...»


De tous les instruments, la harpe est particulièrement mise en valeur sur Nouveau Langage. Elle se marie superbement à son univers en lui conférant une aura mystique. Naomie souligne spontanément la contribution de la talentueuse harpiste Coralie Gauthier. «Elle est-tu bonne! J’aime l’aspect hyper onirique, féérique, quasiment elfique de cet instrument», s’enthousiasme la musicienne formée en classique, qui a été biberonnée dès l’enfance par les airs d’opéra qu’écoutait son grand-père et les goûts éclectiques de ses parents, dont son père, qui était disquaire.

N NAO est une artiste à part entière qui ne fait rien comme les autres. Sa musique, toujours en parfait équilibre entre rêve et réalité, entre mélodies accrocheuses et expérimentations sonores, est unique dans le paysage québécois. «Ce qui m’intéresse dans la musique que j’écoute, ce sont les choses qui sortent de ce que je connais. Quand il y a de la surprise, c’est là que j’ai un coup de foudre, c’est ce qui me donne envie de réécouter.»

Parmi les nombreuses surprises dont recèle Nouveau Langage, il y a cette façon que Naomie a de répéter ses textes minimalistes comme des mantras, par exemple les phrases «Un rêve dans un rêve dans un rêve» sur Destin ou encore«Je lis dans tes pensées» sur Fleuron. Ces mots s’impriment dans notre imaginaire et nous habite longtemps après l’écoute. «Il y avait une idée hyper intime de quasiment parler au creux de l’oreille de quelqu’un, de dire des choses hyper simples, mais qui vont droit au cœur, dit-elle. De quoi de très doux, dans la proximité.»

Chacun des albums de N NAO est conceptualisé avec soin et appuyé par une quantité impressionnante de recherches. «J’ai une pratique très journalière, je travaille tous les jours. Je documente tout par la vidéo, par la musique. J’ai plein d’enregistrements et de cassettes chez nous», décrit-elle, comparant sa démarche à celle d’une archiviste. Curieuse de nature, elle se nourrit à une multitude de sources, autant dans les essais féministes, écologistes, de philosophie ou de psychanalyse que dans le cinéma d’Herzog ou du regretté David Lynch, deux artistes qui, comme elles, «jouent avec la limite entre la réalité et la fiction».

Après s’être inspirée de l’eau pour la création de son précédent album, L’eau et les rêves, N NAO s’est tournée vers l’élément du feu pour concevoir Nouveau Langage. «J’ai été habitée par les thèmes des étoiles, du soleil, de l’aura, de l’énergie, des choses qui se passent entre les mots, dans le langage du corps, dans l’amour, dans le désir, énumère-t-elle, précisant que son processus créatif demeure très instinctif. Je me laisse guider par mon subconscient. J’ai envie que ça vienne du ventre.»

Le résultat est décrit comme une «science-fiction romantique autour des thèmes de la métaphysique, l’astronomie, l’écologie, l’amour et la survivance» dans le communiqué de presse annonçant la sortie de l’album. En entrevue, elle détaille avoir voulu imaginer «une espèce de science-fiction positive, un futur où on reviendrait vraiment à l’essentiel».

L’essentiel étant de se rassembler, de s’unir dans l’adversité. La sortie de Nouveau Langage survient justement dans une période particulièrement sombre et décourageante, marquée par la crise climatique, la montée de la haine et les conflits armés qui s’enlisent. Selon N NAO, cette ambiance de fin du monde peut nous sauver. «On vit dans un monde en feu en ce moment, dans tous les sens du terme, explique-t-elle. Cette urgence donne envie de donner des câlins, de se serrer.»

Léa Taillefer

Bien que Naomie de Lorimier a pris du gallon depuis ses débuts, elle dit encore apprivoiser la lumière qui jaillit sur elle, elle qui a l’habitude de jouer dans l’ombre d’autres artistes, comme Klô Pelgag et Laurence-Anne. C’est d’ailleurs au contact de la communauté musicale qu’elle a pris goût à structurer davantage son œuvre.

«Quand j’ai commencé le projet N NAO, c’était vraiment hyper expérimental et abstrait. Les shows que je faisais étaient a capella avec des pédales d’effets et les formes n’étaient même pas des chansons, c’était plus des méditations, quasiment», se souvient-elle.

Ses nombreuses collaborations avec d’autres artistes de la scène locale – la plus récente en date étant la pièce TDF en duo avec Lou-Adriane Cassidy, sortie la semaine dernière sur Journal d’un Loup-Garou – lui ont insufflé une plus grande assurance. «Avec Nouveau Langage, j’assume plus mon premier instinct : moi c’est ça, c’est abstrait, les textes sont hyper épurés, il y a beaucoup de répétitions pour laisser place aux sonorités… J’aime faire de la musique aussi intense que douce, aller beaucoup dans les extrêmes. C’est comme si je m’assumais plus sur cet album.»

Décidément, N NAO est une artiste sans compromis. Elle crée librement, sans aucune contrainte commerciale. Lorsque je lui en fais la remarque, un sourire illumine son visage. «Je le prends vraiment comme un compliment parce que c’est pas facile d’avancer en tant qu’artiste. D’avoir des collaboratrices et des collaborateurs qui ont confiance en cette vision, ça m’assure que je fais la bonne chose. Mais ce n’est pas sans doute et sans crainte, toutes sortes d’insécurités découlent de ça.»

  • Nouveau Langage est disponible sur les plateformes d'écoute.
  • Le spectacle de lancement aura lieu le 27 mars au Ausgang Plaza, à Montréal.

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