Alexandra Stréliski
On pourrait déballer un tas de chiffres impressionnants pour faire l’étalage du succès d’Alexandra Stréliski : 600 millions d’écoutes en ligne, 100 000 billets de spectacles vendus, 10 prix Félix, 2 nominations au Polaris, 1 Juno…
Drowster
Mais la reconnaissance dont jouit la célèbre pianiste québécoise repose plutôt sur des variables intangibles : la puissance évocatrice de ses compositions aériennes, toujours empreintes d’une infinie douceur; la beauté des arrangements qu’elle crée, qui touchent irrémédiablement droit au cœur.
Reconnu pour ses qualités de mélomane, le regretté cinéaste Jean-Marc Vallée, avec qui la musicienne avait développé une belle amitié, a d’ailleurs intégré quelques-unes de ses mélodies à ses projets, dont les séries Big Little Lies et Sharp Objects, ainsi que les films Dallas Buyers Club et Demolition, suscitant chaque fois des émotions vives. Au-delà de sa création, Alexandra Stréliski attendrit par son approche sensible, humaine et empreinte d’humour face à la vie.
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Bien qu’elle soit actuellement «en période de jachère», comme elle le décrit, il y a fort à parier que cette accalmie fort méritée après deux ans de tournée effrénée fera naître en elle un nouveau cycle de création riche et prometteur.
Alicia Moffet
Le parcours hypermédiatisé d’Alicia Moffet pourrait donner l’illusion qu’on la connaît déjà.
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Évoluant devant nous depuis plus d’une décennie, entre ses débuts sur YouTube, ses participations à des émissions comme La Voix et Canada’s Next Star, sa carrière d’influenceuse et son rôle d’animatrice à Occupation Double. Son plus récent album, No, I’m Not Crying, rappelle pourtant qu’il reste beaucoup à découvrir du côté de sa pratique musicale.
Avec ce troisième opus, et le premier à paraître chez Cult Nation (Charlotte Cardin, Lubalin), l’autrice-compositrice-interprète mise sur une honnêteté brute et une direction sonore affirmée.
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Là où ses efforts précédents, Billie Ave. et Intertwine, testaient différents équilibres entre R&B et introspection, No, I’m Not Crying consolide le son de Moffet, entre alt-rock émotif et pop accessible mais sans compromis. Le morceau Choke, devenu viral au printemps, cristallise cette approche. Instantanément accrocheur, porté par des paroles tranchantes et un contraste dynamique entre la vulnérabilité de sa voix et les guitares tonitruantes.
Fredz
Il a la tête de l’emploi, diront certains. Lunettes rondes, coupe au bol, timbre feutré : Fredz évoque plutôt un premier de classe que d’un rappeur massivement populaire. Mais sous cette allure discrète se cache l’une des plumes les plus singulières de la nouvelle scène québ. Originaire de Longueil, Frédéric Carrier compose ses premiers textes à l’adolescence, apprivoise la guitare via YouTube, et forge un univers hybride où se rencontrent cloud pop, rap mélancolique et un univers lyrical auquel s’identifie rapidement la génération Z.
Son plus récent album, Demain il fera beau, le confirme comme un auteur-compositeur à part. S’il s’inscrit dans une certaine tradition de rap introspectif, Fredz se distingue par une façon bien à lui d’amener le public dans son délire.
Porté par une esthétique sobre mais léchée, il construit un univers cohérent, où chaque morceau a son mood. Sur scène, il attire un public fidèle et multigénérationnel, d’un côté de l’Atlantique comme l’autre.
Dans un paysage musical surfait et rempli de clichés, Fredz choisit la nuance, la douceur, le détail. Une autre façon de faire du rap, ancrée dans le réel, et qui devrait faire bien des émules dans les années à venir.
Laraw
Avec sa pop tantôt feutrée, tantôt frontale, Laraw déjoue les attentes. Artiste montréalaise d’origine marocaine et libanaise, elle fait depuis quelques années sa trace sur la scène locale. Sa présence en ligne, ses passages à la radio et ses apparitions dans les festivals se sont multipliés depuis la sortie de Quarter Life Crisis en 2024. Mais derrière l’image d’une chanteuse pop accessible se cache une autrice-compositrice à l’univers dense et nuancé, qui trace sa route en se réinventant à chaque sortie.
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Son plus récent titre, Milk and Sugar, prolonge cette impression. Chanson douce-amère sur les débuts d’un amour retrouvé, elle mise sur une écriture simple mais incisive, portée par une production aérée co-signée par Tim Buron. Ce retour à l’anglais après l’EP J’ai quitté le Heartbreak Club confirme la polyvalence de Laraw, aussi à l’aise dans les codes de la chanson francophone que dans ceux de la pop alternative internationale.
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Dans un Québec musical de plus en plus ouvert aux projets atypiques, Laraw incarne une relève capable de parler à plusieurs générations à la fois. Elle s’impose par la constance de sa démarche, sa vulnérabilité assumée et sa capacité à transformer ses doutes en refrains entêtants.
High Klassified
À première vue, High Klassified pourrait sembler appartenir à une autre sphère que celle de la scène locale. Beatmaker de Laval passé par Fool’s Gold Records, il a produit pour Future, The Weeknd, Hamza ou Damso avant de revenir poser les bases d’un projet plus personnel. Mais derrière l’aura internationale, Kevin Vincent reste un créateur profondément enraciné dans son coin de banlieue nord, qu’il célèbre et transforme à sa façon.
Avec Ravaru, son plus récent album, il s’attaque à un défi rarement relevé chez les producteurs: construire un univers narratif cohérent, où cohabitent textures futuristes, mélodies R&B, funk vaporeux et fortement inspiré de l’animation japonaise. Ravaru, c’est Laval prononcé à la japonaise; une façon de repenser son territoire comme un jeu vidéo, pour en révéler les trésors cachés, débloquer de nouveaux niveaux, vaciller entre le bien et le mal.
Plutôt que de capitaliser sur son CV prestigieux, High Klassified choisit de miser sur une vision. Il convie Zach Zoya, Hubert Lenoir, Ateyaba ou Tsew the Kid, non pour multiplier les featurings, mais pour servir une œuvre cohérente, ouverte sur le monde, mais fidèle à lui-même.