On se serait cru en 2002 vendredi au Festival d'été de Québec (FEQ). Ceintures à studs, yeux recouverts d'épais traits de khôl, collants à filets et vêtements à rayures ont fait leur grand retour sur les plaines. Et pour cause : les têtes d’affiche de la soirée, Avril Lavigne et Simple Plan, nous ont fait vivre un véritable festival de nostalgie à saveur pop-punk.
Avec ses habits noirs – un large t-shirt surplombant de longues bottes et de coquets collants – ses ongles assortis et les pointes de ses longs cheveux blonds garnies de mèches multicolores, Avril Lavigne a toujours la dégaine d’une adolescente rebelle, plus de 20 après ses débuts. Même qu’elle gesticule à quelques reprises des doigts d’honneur en chantant, en concordance avec les textes de ses chansons. De part et d’autre de la scène, trônent deux cœurs roses ornés de têtes de mort.
Pourquoi faire compliqué? C’est ce qu’Avril Lavigne reproche à son interlocuteur dans le refrain de son succès de Complicated, chanson qui l’a révélée en 2002 – refrain qu’il fait toujours bon de hurler à tue-tête au milieu d’une foule. La Canadienne qui a grandi à Napanee, en Ontario, ne s’est pas cassé la tête sur les plaines vendredi, elle a livré exactement le même spectacle qu’elle tourne depuis l’an dernier, parfois sur le pilote automatique, a-t-on eu l’impression.
On ne peut pourtant rien lui reprocher : sa voix est toujours en forme, elle semble sincèrement passer un bon moment, elle s’adresse à quelques reprises en français au public, avec qui elle a plusieurs interactions sympathiques… Mais sa performance semble tellement rodée au quart de tour que c’est à se demander si tout ça ne manque pas un peu de fraîcheur et de spontanéité.
Entre les succès toujours entraînants que sont Girlfriend, My Happy Ending et Sk8er Boi, il y a eu beaucoup de temps morts, notamment lors des diffusions d’images d’archives montrant ses premières apparitions médiatiques et lors d'une interminable et étrange séquence vidéo précédant son rappel (on y reviendra).
Il faut dire que, juste avant elle, Simple Plan a tout donné, comme vous pourrez le lire plus loin dans ce texte. Le groupe de Montréal a d’ailleurs offert un des moments forts de la performance d’Avril Lavigne en se joignant à elle pour interpréter leur nouvelle chanson, Young & Dumb ainsi qu’une reprise diablement efficace de All The Small Things de Blink 182.
Malgré la complicité palpable entre le groupe et la chanteuse, le segment s’est étiré lorsqu’ils se sont mis à lancer des t-shirts autographiés au public. Soulignons tout de même un beau moment d’émotion, lorsque, invitant des spectateurs sur scène, une fan d’Avril Lavigne a fondu en larmes en la prenant dans ses bras.
Après quelques autres chansons, dont les récentes Bite Me et Love It When You Hate Me, la musicienne a quitté la scène. Est alors apparue la vidéo mentionnée plus tôt. Sur un air convenu de piano, on a pu y voir le ressac des vagues, entrecoupé d’images de la chanteuse marchant sur une plage dans une longue robe, les cheveux au vent. On se serait cru dans une publicité de retraite de bien-être...
Après un long moment où plusieurs personnes dans la foule semblaient se demander si le spectacle était terminé, Avril Lavigne est réapparue, cette fois toute de blanc vêtue, une traîne vaporeuse flottant derrière elle. Tout en contraste avec son énergie punk et échevelée, elle a conclu sa performance avec trois balades, dont la puissante I’m With You en conclusion. À défaut d'être cohérent, ce segment a particulièrement mis en valeur sa voix.
En début de soirée, Simple Plan a mis le paquet pour énergiser la foule en délire. Innombrables jets de flammes, confettis à profusion, mascottes de Scooby-Doo (pour accompagner la chanson thème de What’s New Scooby-Doo, bien sûr!) et ballons de plage ont été mis à contribution. Mais c'est surtout l'enthousiasme débordant et contagieux des musiciens – et particulièrement du chanteur Pierre Bouvier, véritable bête de scène doublée d’un redoutable animateur de foule – qui ont électrisé cette heure de spectacle bien tassée.
Tous les succès ou presque des «petits gars de Montréal», comme ils se sont décrits, y sont passés, de I'd Do Anything à I'm Just A Kid. Il est pour le moins particulier de voir des quadragénaires performer ces hymnes juvéniles, mais Simple Plan n’a absolument rien perdu de la fougue de ses débuts. Pour l'occasion, Pierre Bouvier portait justement une camisole portant l’inscription «I'm Just A Kid Adult». Une belle marque d’autodérision!
À l’instar d’Avril Lavigne, la musique de Simple Plan semble un peu figée dans le temps. Mais une bonne dose de nostalgie de temps en temps ne fait de mal à personne. Certainement pas aux nombreux spectateurs rassemblés sur les plaines, qui n’ont absolument pas boudé leur plaisir en chantant à tue-tête et en sautant frénétiquement sur l’entraînante Jump.
Lorsque Simple Plan a annoncé qu’il allait plonger dans son répertoire «old school», on espérait secrètement entendre du Reset, l’ancêtre de la formation, mais on a plutôt eu droit au succès souvenir Addicted. En plus d’inviter Claudia Bouvette à chanter Jet Lag avec eux, les musiciens ont interprété une nouvelle chanson, Nothing Changes, qui figure dans le documentaire Simple Plan : The Kids in the Crowd, soulignant leurs 25 ans de carrière et offert sur Prime dès mardi. La chanson porte drôlement bien son nom: elle est coulée dans le même moule pop-punk qui a fait la renommée du groupe. On ne change pas, dirait Céline.
Un mot sur Chiara Savasta, qui a ouvert les festivités avec sa présence énergique. La jeune musicienne s'est amusée rondement, courant et sautant d'un bout à l'autre de la grande scène. En plus de ses chansons indie pop qui rappellent une certaine Olivia Rodrigo, dont la dynamique brand new girl, brand new machine, elle a offert une reprise de California, de Phantom Planet, qu'elle a dédié avec humour aux gens qui ont dix ans de plus qu'elle.