Depuis ses premières sorties en 2018, Backxwash est vite devenue l’une des voix les plus radicales et inclassables de la scène hip-hop expérimentale. Son style unique qui mêle un rap fielleux à des productions abrasives inspirées du métal, lui a notamment valu le prix Polaris en 2020, pour son album God Has Nothing to Do With This Leave Him Out of It.
Sur Only Dust Remains, son cinquième album studio, l'artiste montréalaise d'origine zambienne explore de nouveaux territoires sonores. «Avec chaque album, j'aime apprendre quelque chose de nouveau», explique-t-elle. À la fois puissante et introspective, sa musique aborde des thèmes sombres et complexes tels que la spiritualité, la religion, l'addiction et, bien entendu, la mort.
«J'avais besoin de prendre du recul, de repenser mon approche, confie-t-elle. On en avait tellement fait pendant les deux années précédentes qu'il fallait que je relaxe un peu. J'ai eu le temps de me remettre à jour sur certaines choses.»
Notamment, dit-elle, cela a impliqué de se remettre à la théorie musicale, dont elle avait appris les bases lorsqu’elle était étudiante, en Zambie. «Je n'y ai pas prêté attention plus que ça, à l’époque, mais j'en ai appris assez pour être dangereuse, comme on dit». Un projet scolaire l'a même amenée à jouer l'hymne national sur cet instrument. Cette expérience, bien que modeste, a semé les graines de sa créativité musicale, lui permettant de comprendre les fondements de la mélodie et de l'harmonie. Ces connaissances, réactivées et approfondies, continuent d'influencer sa façon d'aborder la composition, même dans les contextes les plus expérimentaux.
C’est à ce moment que se sont faits les premiers contacts de Backxwash avec la culture hip-hop en Zambie. Alors que la scène hip-hop grand public zambienne était centrée sur le rap en nyanja, son intérêt pour le hip-hop américain l’a amenée à rapper en anglais. Cela a créé un espace unique pour elle, car «il n’y a pas vraiment de marché pour les gens qui rappent en anglais».
Éventuellement, elle a intégré le circuit local des battles de rap. Ces battles, entre autres, ont favorisé un sentiment de camaraderie et d’expression artistique chez elle, qui dit se souvenir d’un environnement «plutôt sain» où les artistes se concentraient sur la démonstration de leurs compétences et sur le plaisir, plutôt que sur la poursuite du succès commercial. «On ne savait jamais où ça allait nous mener, on faisait juste des chansons pour montrer à quel point on avait du talent, sans nécessairement penser à une éventuelle reconnaissance.»
Only Dust Remains se distingue du reste de son catalogue par sa palette sonore complexe. Sur History of Violence, les nappes électroniques dialoguent avec des interventions instrumentales audacieuses. Dans une production délurée, elle s’implore à elle-même de faire mieux, sur WAKE UP. 9th Heaven, pour sa part, a des envolées orchestrales qui semblent taillées pour une scène de film, où un héros tragique trouve la rédemption.
«J'ai beaucoup écouté des compositeurs de musique de film. Je voulais capturer cette idée d'élévation, intime-t-elle. De retrouver mes bases de théorie musicale a ouvert une autre partie de mon esprit, dans le sens où j’ai acquis la confiance de me dire: ‘Oh, je suis capable de faire ça’. De traduire directement en musique ce qui se passe dans ma tête. C’est assez cool.»
Pour l’accompagner sur cet album, l’artiste a fait appel à des collaborateurs variés, de Chloe Hotline à Fernie, en passant par Ora Cogan. «J'aime travailler avec des gens qui sont vraiment bons dans ce qu'ils font et qui sont réellement humbles», dit-elle.
De la même manière, sa relation avec le public est intense et authentique. «Les gens sont vraiment intenses, mais je pense que c'est une bonne chose», affirme-t-elle. Elle dit rester étonnée que les gens aient une relation aussi intense avec sa musique, mais lorsqu’on entend des chansons aussi percutantes de vulnérabilité que Dissociation, où elle aborde le thème de l’addiction, on comprend vite que ses chansons trouvent écho.
«Je voulais capturer le sentiment général de la dépendance. De se dire qu’on ne le refera pas, mais que cette fois-ci, c’est correct. C’était vraiment une chanson que j’ai écrite pour moi, mais aussi pour capturer le contraste entre être accro et voir la lumière au bout du tunnel, quand tu réalises que tu n’es plus obligé de toujours te sentir comme ça.»
Dès la semaine prochaine, la rappeuse et productrice se rendra Europe où elle débutera une tournée qui devrait la mener un peu partout sur la planète au cours de la prochaine année. Les Montréalais auront droit à un spectacle de lancement très spécial à la Société des arts technologiques (SAT), le 18 avril prochain.
Only Dust Remains sort le 28 mars via Ugly Hag Records.