Ceci est la traduction adaptée d’un article de Nancy Dillon, originalement publié par Rolling Stone le 31 octobre 2024. Nous republions l'article originalement intitulé Young Thug Released From Jail After Pleading Out of RICO Case avec la permission de son autrice. Notez que certaines subtilités et nuances peuvent différer de la version originale.
Young Thug, le réputé rappeur récipiendaire de plusieurs prix Grammy, a finalement été libéré de prison. Né Jeffery Williams, l’artiste a plaidé jeudi en faveur d'un non-lieu dans la longue affaire de racket et a été condamné sur-le-champ à une peine de prison ferme, à 15 ans de probation et à une peine consécutive de 20 ans qui ne s'applique qu'en cas de non-respect de la probation. Ce développement spectaculaire a conduit à sa libération immédiate jeudi.
«Je prends la pleine responsabilité de mes crimes et des accusations portées contre moi. Je veux m’excuser à ma famille, à ma mère», a dit l’artiste au juge de la cour d’Atlanta jeudi, avant de connaître sa sentence. Son avocat de longue date, Brian Steel, a dit que Williams a pris ce plaidoyer malgré ses conseils, vu que ce dernier vivait derrière les barreaux dans des conditions déplorables depuis mai 2022 et avait hâte de rentrer voir ses enfants.
«Je suis un gars intelligent, je suis un bon gars, j’ai un bon cœur, vous savez? Je me suis retrouvé dans beaucoup de situations parce que j’ai été trop gentil ou j’ai pris les choses à la légère», a dit Williams au juge. «J’espère que vous me permettrez de rentrer chez moi aujourd’hui et avoir confiance que je ferai la bonne chose. Je vous promets que vous ne me reverrez jamais dans ce genre de situation.»
Thug a dit de la juge qu’elle était «vraiment, réellement, honnêtement, la meilleure chose» qui lui soit arrivée. Puisqu’elle a rendu le tout «beaucoup plus juste» lorsqu’elle a repris les reines de ce procès en juillet dernier, après la récusation involontaire du juge précédent. «J’ai appris de mes erreurs. Je viens de rien, j’ai réussi à bâtir quelque chose, et je n’en ai pas pris plein avantage. Je m’excuse», a ajouté Williams. «J’espère que vous trouverez la bonté dans votre cœur de me laisser rentrer chez moi être une meilleure personne, auprès de ma famille. Je sais ce que je peux apporter au monde. Je sais ce que je suis et ce dont je suis capable. Je réalise l’impact que j’ai sur ma communauté.»
L’artiste de 33 ans n'a pas contesté le chef d'accusation 1, conspiration de racket, ainsi que le chef d'accusation 56, participation à un gang de rue criminel dans un rôle de leader. Il a ensuite plaidé coupable à trois accusations liées à la drogue, deux accusations liées aux armes à feu et d'une accusation moins grave liée aux gangs. La procureure adjointe en chef du comté de Fulton, Adriane Love, a demandé à la cour d'interdire les plaidoyers de non-contestation, mais la juge Paige Reese Whitaker a déclaré qu'elle les autoriserait.
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Du fait de sa sentence, Williams n’aura pas le droit d’être associé à des membres connus de gang, ou quelconque autre accusé dans son dossier, mis à part son frère et le rappeur Gunna, vrai nom Sergio Kitchens, vu qu’ils travaillent ensemble. La juge a aussi empêché Young Thug de promouvoir l’activité de gang, ainsi que d’utiliser des signes avec la main ou des expressions reliées aux gangs.
«J’apprécie que vous réalisiez l’impact que vous avez sur les gens», a dit la juge Whitaker à Williams, avant de quitter la cour. «D’avoir grandi d’où vous venez, d’avoir vécu ça et dans ça, vous savez que les gangs sont délétères pour notre communauté.»
Le plaidoyer de Williams était «non négocié», laissant sa sentence entièrement à la discrétion de la juge. C’était un pari risqué. Il faisait face à un maximum de 120 ans d’emprisonnement. Les procureurs lui ont offert une entente négociée qui lui aurait permis de sortir de prison jeudi, mais de faire face à une peine de 23 ans de prison, s’il brisait les conditions de sa probation. Les discussions ont été freinées après les termes très contraignants de cette probation, a dit Steel à la cour.
Dans sa longue annonce à la cour, Steel a dit que le dossier était «empli de non-vérités» et qu’il estimait que la défense avait assez de preuves pour prouver l’innocence de Williams. «Je ne soutiens pas ce que l’on fait en ce moment», a dit Steel. «J’ai dit à M Williams, ‘Je pense qu’on gagne le procès et qu’on devrait aller au verdict’. Mais il m’a dit, ‘Je ne peux pas attendre encore trois mois s’il y a la moindre chance que je puisse rentrer chez moi, parce que j’ai des enfants qui ont besoin de moi. J’ai des choses à faire’. Il a également des problèmes de santé à régler. Il mange directement dans le sac, il ne mange que de la nourriture transformée. Il a pris plus de 75 lb lors du procès. Il les a perdus depuis, mais c’est compliqué.»
Ce nouveau plaidoyer a mis fin à une longue journée pour le rappeur. Après plusieurs négociations à huis clos, il est apparu dans la salle d’audience vers 16h, heure locale. «De ce que je comprends, l’État et M Williams étaient très près d’une entente négociée, mais sont arrivés à une impasse, et M Williams désire prendre un plaidoyer non négocié», a dit la juge Whitaker. «Est-ce exact?»
La caméra de la cour s’est ensuite braquée sur Williams, assis en silence entre ses deux avocats. Après un moment de silence, la juge a de nouveau demandé, «Suis-je mal informée?». Williams s’est ensuite tourné vers Steel. «Avez-vous besoin d’une minute en privé?» a-t-elle demandé, avant d’appeler à une pause.
Le plaidoyer de Williams arrive après que trois autres accusés ont conclu des accords à mi-procès cette semaine, alors qu'une demande d'annulation du procès était imminente, suite à une erreur de preuve survenue la semaine dernière. Aucun des accords n’impliquait d’ententes de coopérations ou de promesses de témoigner contre les autres accusés. Un des accords a été décrit comme «remarquable» par la juge, puisqu’il n’obligeait que neuf ans derrière les barreaux pour Marquavius Huey, un ancien accusé dans le procès. Huey faisait face à trois sentences à vie.
Williams a toujours maintenu son innocence au cours du procès. Les procureurs ont avancé qu’il était le caïd d’un gang affilié aux Bloods et nommé Young Slime Life, mais leur théorie s’est défaite en août dernier lorsque leur principal témoin, Kenneth ‘Woody’ Copeland, s’est avancé au stand et a désavoué son témoignage précédent qui impliquait Williams dans le meurtre de Donovan ‘Nut’ Thomas, en 2015. Williams n’était pas spécifiquement accusé du meurtre de Thomas, mais des procureurs ont présenté au jury un enregistrement datant d’une entrevue avec la police datant de juin 2015, dans lequel Copeland a avancé que Williams avait rencontré des membres de YSL à une station-service afin de leur remettre la Infiniti louée qui a servi au meurtre. À la barre des témoins, Copeland a dit qu’il avait concocté cette histoire à propos du meurtre de Thomas par Williams parce qu’il était arrêté pour armes à feu et qu’il tentait d’offrir «un gros poisson» afin d’en arriver à une entente réduite, pour lui éviter la prison.
En contre-interrogatoire par Steel, Copeland a témoigné qu’il était en froid avec Thomas au moment du meurtre de ce dernier, en janvier 2015. Copeland a dit qu’il croyait que Thomas lui voulait du mal «physique». Dans ses mots d’ouverture en novembre dernier, Steel a suggéré que ce serait Copeland lui-même qui aurait tué Thomas. Il a dit que les preuves prouveraient que Copeland était «un criminel de carrière, armé» qui souhaitait la revanche, après avoir été tabassé dans un club d’Atlanta pour avoir volé des choses dans la voiture de Thomas. Le contre-interrogatoire de Steel a été conçu pour lever des doutes raisonnables dans l’esprit du jury, en suggérant que Copeland avait une raison de tuer Thomas. (Copeland a été accusé du meurtre de Thomas en 2015, mais cette accusation a été abandonnée. On lui a accordé l’immunité pour qu’il puisse témoigner.)
Dans son discours d’ouverture, Steel a décrit les débuts humbles de Williams, ainsi que sa détermination à créer une meilleure vie pour lui-même. Il a dit que Williams était «né dans un environnement, une communauté, une société remplie de dépression, de désespoir et d’impuissance». Il a indiqué que son client avait grandi dans un HLM, partageant une minuscule chambre avec ses quatre frères, alors que ses six sœurs en partageaient une autre. «La pauvreté abjecte» et la mort par fusillade de son frère âgé de 20 ans ont doté Williams d’un manque de confiance important en la police et le système de justice, selon Steel. L’avocat de haut niveau a félicité Williams d’avoir surmonté les nuisances «générationnelles» du racisme institutionnel pour devenir l’un des artistes les plus importants de la planète.
«Il a travaillé tellement fort, plus fort que tous les autres», a dit Steel en novembre dernier, ajoutant que le sobriquet de ‘Thug’ qu’utilise Williams signifie en fait ‘Truly Humbled Under God’ (Réellement Humble Devant Dieu). «Il n’est pas à la tête d’un gang de rue criminel», a dit Steel. «Il n’est pas là à dire aux gens de tuer les autres. Il n’a pas besoin de leur argent, il vaut des dizaines de millions de dollars.» L’avocat de la défense a ajouté que Williams «ne connaît même pas la plupart des autres accusés dans ce procès.»
Williams s’est fait connaître dans le monde de la musique pour son style vocal acrobatique, ses choix vestimentaires flamboyants, et son rap novateur, mis en valeur sur des albums comme Rich Gang: tha Tour Pt. 1, avec le défunt Rich Homie Quan, son succès de 2015 Barter 6, et le séminal Jeffery, paru en 2016. Il a collaboré avec certains des plus grands noms du rap et de la pop, et s’est vu attribuer un Grammy pour son travail sur This is America, le single de Childish Gambino paru en 2018. Son label, Young Stoner Life, a pris d’assaut le Billboard 200 avec Slime Language 2, une compilation où Williams brillait aux côtés d’une brochette impressionnante d’artistes, dont Gunna, Drake, Travis Scott et Lil Baby.
Au cours de ce procès qui a duré près de deux ans et dont le jury a été choisi en janvier 2023, Williams est apparu en cour presque hebdomadairement, et son attention au procès était palpable, lors du livestream des audiences gérées par Law&Crime et suivi par des milliers de gens. Le procès qui a débuté avec six accusés a été affligé de toutes sortes de problèmes dès le début, et a attiré l'attention du monde entier avec l'arrestation spectaculaire, devant les caméras, de M. Steel pour outrage à magistrat (cette accusation a été abandonnée par la suite) et la récusation du juge en chef du comté de Fulton, Ural Glanville, pour sa gestion d'une réunion secrète avec M. Copeland et les procureurs, qui excluait la défense.
L’annonce de la remise en liberté de Young Thug a ravi les fans du monde entier hier soir. «Les mots ne peuvent décrire la joie et le soulagement que j’ai de savoir que Jeffery est libre» dit Kevin Liles, ancien dirigeant de 300 Elektra Entertainment et cofondateur de 300 Entertainement, dans un communiqué. «Il y aura un moment pour discuter de la criminalisation des paroles de rap et d’utiliser la liberté comme arme contre les accusés, mais, en ce moment, tout le monde peut simplement se réjouir que cet artiste remarquable et cet encore meilleur père pourra embrasser ses enfants, ses parents, sa famille et ses proches ce soir. Nous devons nous souvenir que les artistes ne sont pas des personnages fictifs. Ce sont des humains avant tout. Que Dieu bénisse Jeffery et sa famille.»
Le procès, où doivent encore défiler trois autres accusés, devrait reprendre lundi prochain.