Les chiffres sont alarmants. D’année en année, les écoutes d’artistes francophones sur les plateformes en ligne s’amenuisent. L’initiative MUSIQC compte renverser la vapeur en lançant une série de listes de lectures destinées à faire rayonner la création musicale du Québec.
C’est connu, les algorithmes des plateformes d’écoute en ligne comme Spotify et Apple Music mettent très peu de l’avant les contenus québécois et francophones. Petits poissons dans un océan de sorties musicales mondialisées, les artistes de chez nous peinent souvent à rejoindre leur public.
Les plus récentes données de l’Observatoire de la culture et des communications confirment la triste tendance : seulement 5% des 10 000 chansons les plus écoutées au Québec en 2023 étaient francophones québécoises. C’était encore pire pour les nouveautés francophones, qui ont à peine récolté 2% de toutes ces écoutes.
Pourtant, il ne manque pas de bons groupes rock, de rappeurs incisifs et pertinents ou encore de chanteuses pop au grand talent. C’est justement pour mettre en valeur la richesse et la diversité de la production musicale québécoise que la Société professionnelle des auteurs, compositeurs du Québec et des artistes entrepreneurs (SPACQ-AE) mettra en ligne le 12 février ce répertoire de playlists.
«Il n’y a rien de plus déprimant pour un artiste que de composer et sortir une chanson qui se retrouve dans un fond de tiroir, ce qui est le cas sur les grandes plateformes en ce moment, illustre la directrice générale de la SPACQ-AE, Ariane Charbonneau. Si on ne donne pas la chance à nos artistes de se faire écouter, comment préserver notre culture et notre langue?»
Rolling Stone Québec a pu tester une version bêta de l’interface gratuite, simple d’utilisation et ne requérant aucun identifiant. Une fois en ligne, l’utilisateur n’a qu’à sélectionner la plateforme d’écoute de son choix pour que sa liste de lecture choisie s’y ouvre ensuite.
Quelques titres parmi les 150 listes offertes : Le monde est à pleurer, Après-match de baseball, Queer Queb, Musiques autochtones actuelles, Le nouveau country, Kit de survie du néo-québécois, Pop en ébullition, Afrokeb, Road-trip au Saguenay-Lac-St-Jean, Rapkeb ou encore Roqc – vaste et sinueux. Avec quelque 2000 artistes répertoriés, il y en a pour tous les goûts.
Aucun algorithme n’a été mis à contribution, chaque liste a été créée par un humain, notamment des experts musicaux, des artistes – dont Alexandre Désilet et Catherine Durand – des journalistes spécialisés ainsi que divers acteurs et associations du milieu culturel.
«L’objectif ultime de cette programmation humaine est de bouleverser les algorithmes, précise Ariane Charboneau. On a observé dans nos tests qu’en écoutant les listes de MUSIQC dans sa plateforme, ça influence positivement ce que l’algorithme nous propose d’écouter par la suite.»
Le volet québécois de MUSIQC n’est que la première phase d’une initiative qui doit se déployer à plus long terme dans toute la francophonie. «Il y a eu beaucoup d’intérêt quand on a présenté la version beta de MUSIQC à Paris l’automne dernier lors du festival MaMA Music & Convention, se réjouit la directrice générale de la SPACQ-AE. Eux aussi voient ce potentiel de créer des ponts à travers l’Europe et l’Afrique.» À noter que ce volet, qui devrait être lancé à l’automne 2025 en France, conservera le nom de MUSIQC.
C’est justement en raison de cette visée internationale que le chanteur Corneille a été désigné porte-parole de l’initiative, lui qui connait un immense succès des deux côtés de l’Atlantique, notamment grâce à son hit Avec classe interprété avec la superstar française Aya Nakamura. En plus d’être écouté à travers la francophonie, Corneille est un artiste respecté et engagé, mentionne Ariane Charbonneau. «On n’aurait pas pu demander meilleur porte-parole.»
Par voie de communiqué l’interprète de Parce qu’on vient de loin et de Seul au monde salue le fait que ce projet «fait la promesse de transformer le potentiel de la découverte en écoutes concrètes.» «Avec MUSIQC, nous voulons créer un mouvement, un rassemblement autour de nos musiques, un lieu central qui nous ressemble», ajoute-t-il.