Ceci est la traduction adaptée d’un article de Nancy Dillon, originalement publié par Rolling Stone le 30 septembre 2025. Nous republions l'article originalement intitulé ‘The Manipulator’: Cassie Pens Emotional Letter Ahead of Sean Combs Sentencing avec la permission de son autrice. Notez que certaines subtilités et nuances peuvent différer de la version originale.
Quatre mois après son témoignage bouleversant au procès criminel de Sean «Diddy» Combs à New York, Casandra «Cassie» Ventura a soumis lundi soir une déclaration d’impact de victime exhortant le juge à imposer à l’ancien magnat de la musique une peine reflétant «les vérités en jeu que le jury n’a pas su voir».
Cette lettre de trois pages a été déposée en même temps que la demande des procureurs réclamant qu’au moins 11 ans et 3 mois de prison soient prononcés vendredi, à la suite de la condamnation de Combs pour deux chefs liés au transport de personnes en vue de se livrer à la prostitution. Après huit semaines de procès, le jury avait conclu que Combs avait fait voyager des escortes masculins d’un État à l’autre pour organiser des marathons sexuels avec Ventura et une autre ex-compagne, identifiée sous pseudonyme. Combs avait toutefois été acquitté des accusations plus lourdes de complot en vue de racket et de traite sexuelle.
«Pendant quatre jours en mai, alors que j’étais enceinte de neuf mois, j’ai témoigné devant une salle comble au sujet du chapitre le plus traumatisant de ma vie. J’ai dit qu’à partir de mes 19 ans, Sean Combs a usé de violence, de menaces, de substances et de son contrôle sur ma carrière pour m’enfermer dans plus d’une décennie d’abus. Il m’a conditionnée à accomplir des actes sexuels répétés avec des travailleurs du sexe masculins lors de “freak-offs” de plusieurs jours, presque chaque semaine», a écrit Ventura. Elle affirme avoir été forcée de porter lingerie et talons, guidée jusque dans son apparence, droguée et alcoolisée pour être manipulée «comme une marionnette». Ces séances l’auraient laissée avec des infections, des maladies et une fatigue extrême avant que les demandes recommencent. «Le sexe est devenu mon travail à temps plein, le seul moyen de rester dans ses bonnes grâces.»
Ventura, 39 ans, a déclaré au juge Arun Subramanian qu’elle n’avait aucun choix lorsque Combs, 55 ans, réclamait une «freak-off». «Refuser signifiait des punitions: perdre ma voiture, mon téléphone, ou pire. Il contrôlait tous les aspects de ma vie et menaçait de ruiner ma réputation en divulguant des enregistrements sexuels, menace qu’il répétait souvent», a-t-elle affirmé. Elle dit qu’il menaçait également ses proches, ce qui l’amenait à craindre pour la sécurité de sa famille et de ses amis.
Selon elle, la violence physique accompagnait ces menaces: coups, gifles, tirage de cheveux, projections au sol et contre les murs. Le jury aurait vu des photos de ses blessures ainsi qu’une cicatrice profonde causée par un choc contre un cadre de lit. Une vidéo montrant Combs en train de la frapper alors qu’elle tentait de fuir une «freak-off» en 2016 a aussi été projetée à de nombreuses reprises.
Ventura dit avoir fini par s’accrocher aux drogues utilisées pour «s’anesthésier» face à la douleur. «Rien dans cette histoire n’a de l’amour, ni de grandeur. C’était une décennie marquée par l’abus, la violence, le sexe forcé et l’humiliation», a-t-elle écrit, ajoutant que le traumatisme subi l’a menée à des pensées suicidaires. Elle attribue à sa famille le fait d’avoir survécu.
Elle assure souffrir encore de cauchemars et de réminiscences, nécessitant un suivi psychologique constant. Bien qu’ayant quitté New York avec sa famille, elle vit discrètement, craignant des représailles si Combs recouvrait la liberté.
Ventura rejette l’idée que l’accusé se soit transformé en défenseur de la lutte contre la violence conjugale: «Il n’est pas sincère. Celui qu’il a été avec moi—le manipulateur, l’agresseur, l’abuseur, le trafiquant—c’est qui il est comme personne.» Elle rappelle que Combs n’a reconnu publiquement les faits qu’après la diffusion par CNN d’une vidéo de son agression en 2016.
«Grâce aux images et à mon témoignage, cela restera associé à lui. Pendant plus de dix ans, Sean Combs m’a fait sentir impuissante et insignifiante, mais mon expérience était réelle, horrible, et mérite d’être considérée», a-t-elle écrit. Elle affirme que la sentence devrait refléter «la réalité des preuves et de mon vécu comme victime».
Si elle dit espérer «justice et reddition de comptes», Ventura avoue avoir appris à ne «rien croire». Elle conserve néanmoins une confiance limitée que le juge Subramanian saura imposer une peine tenant compte «des vérités que le jury n’a pas vues».
La défense de Combs, dans un mémoire distinct, a réclamé une peine maximale de 14 mois. Le juge, qui doit trancher le 3 octobre, a déjà refusé de libérer Combs en attendant la sentence, estimant que la défense avait elle-même admis durant le procès que des violences avaient été commises contre Ventura et l’autre témoin.
Dans une lettre séparée, les parents de Cassie ont demandé au juge d’envisager le précédent qu’établirait la sentence: «Prononcer une peine clémente reviendrait à nier l’existence même de notre fille et à envoyer le message dangereux que de tels abus peuvent rester sans véritable conséquence.»